Enchaîne ! – Christian Satgé

 

© Christian Satgé – 25/05/2018

 

D’aucuns sont marronniers, saules, hêtres ou frênes.
Moi, sans prétention, je serais chêne.
Un de ces chênes qui résistent aux vents
Mauvais. Aux pluies torrentielles. Aux avants.
Aux après. Un de ces chênes que parfois ronge
Le ver du doute, offre des tapis d’oronges.
Piqueté ici, écorcé là, sans vair.
Un chêne auquel s’accroche le lierre vert
Des désespoirs d’autrui et les rêves,
Petits ou grands, des autres à l’ombreux couvert
De sa ramée que le soleil partout crève.
Je suis un arbre qui survit à l’hiver,
Le dernier à fuir ses rudes revers.

Certains sont peupliers, châtaigniers, frênes,…
Moi, par ambition, je serais chêne.
Un de ces chênes dont parfois quelque bras
Tombe à bas mais qui, jamais fier-à-bras,
Tient bon et pourrait servir de repère
À qui perd la voie ou n’a plus de repaire.
Ici, lichens, nœuds ou yeux là, trophées !
Je suis donneur de bois mort pour se réchauffer
Ou pour jouer, et d’ombre douce et câline
Pour les joies cachées faisant joues échauffées,…
Car mon toit accueille une mousse angéline
Aux jeunes et folles amours assoiffées
Au creux comme au cœur des étés surchauffés.

D’autres sont bouleaux, trembles, érables, ifs ou frênes,…
Moi, par conviction, je serais chêne.
Jamais mussé, le tronc toujours franc et droit,
Indispensable au décor le plus maladroit,
Donnant généreusement à cette terre,
Et aux cochons, mes fruits rudimentaires
Que j’ai couvés, mûris fort patiemment
Pour des gamins enchapeautés mêmement.
Vaisseau isolé, souvent hune d’enfance,
Je suis arbre d’horizons, de firmament,
Toujours régnant au pré, négligeant l’offense
Du temps, des bêtes, des gens,… élégamment.
Mais suis arbre à cercueils. Malheureusement.

 

 

 

 

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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8 Commentaires
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Bernard Rasson
Membre
1 juin 2018 16 h 28 min

joli ! vous êtes du bois dont on fait les guitares ;-)

Laurence de Koninck
Membre
29 mai 2018 20 h 05 min

Noble chêne si bien raconté. Merci Christian, c’est un régal.

Anne Cailloux
Membre
27 mai 2018 13 h 53 min

Très bel hommage à ce magnifique arbre qui fini, je trouve humblement
il aurait pu fini en crayon papier..
beaux mots Christian que les votre..
Amitié
Anne

Marie Combernoux
Membre
26 mai 2018 0 h 05 min

Très beau hommage cet arbre magnifique Christian, j’aime beaucoup le début de chaque strophe qui donne du rythme à ton poème. Très belle description ! j’en ai fait un moi aussi sur le chêne, mais pas dans le même esprit. Je te le livre.
Amicalement
MARIE