Lors des élections et au milieu des conflits sociaux, on entend souvent que s’y affrontent deux France, deux mondes. J’ai justement la chance de vivre immergé dans deux mondes, plus particulièrement à ma cantine où cohabite collègues entendants et lycéennes sourdes.
On dit souvent que les sourds sont tristes et taiseux. C’est bien mal connaître leur monde.
Mettons en parallèle ces deux mondes, de chaque côté du mur du son.
A table, les entendants mangent seuls à une table, le portable contre l’oreille ou les yeux sur un clip avec oreillette dans l’oreille. Quand ils mangent à une même table, c’est un brouhaha dans lequel tout le monde parle et mâche en même temps, sans s’écouter ni se regarder. Monologues de intestins diront certains. Des visages impassibles comme ceux du musée Grévin à Paris. Des visages de cire. De bien tristes sires inexpressifs.
A la table des sourdes, le dialogue commence avant même qu’elles ne s’assoient, via des gestes de bienvenue alors qu’elles ont encore leur plateau sur les bras. Et pas de messe basse entre elles, car c’est toute la cantine qui peut participer aux dialogues, que dis-je, aux « multilogues ». Chacun peut confirmer d’un geste avoir bien compris le message de l’autre par un geste de la main. Et le reformule souvent à sa façon. Et la réponse est visble de toute la salle. Par exemple si on trouve une phrase bête, on ne se prive pas de le montrer à tous haut et fort. En résumé, à cette table, on parle avec ses mains et avec son visage.
Par ailleurs, un même mot se décline toujours de façon très personnelle.
Pour un entendant, le mot bon, c’est « bon ». Comme le verbe aimer c’est « j’aime ».
En s’exprimant, le sourd décline sa façon d’aimer, ou non, au moment où il le dit. Tout le corps entre en dialogue. Attardez-vous à lire leurs « j’aime » un peu, beaucoup, passionnément, et leurs « je n’aime pas ». Les sourds sont sûrement tous des gens du sud conclurez-vous, à tort.
Emmanuelle Laborit qui fut mon élève en classe de philosophie au Cours Morvan à Paris appréciait ce côté « public » du dialogue entre sourd. Celle que, petit, on surnommait « La mouette » à cause de ses cris, est naturellement passé de la vie du lycée à la vie du théâtre gestuel et elle est devenue la directrice d’IVT (International Visual Theatre) juste avant d’être récompensée pour son rôle dans Les enfants du Silence, pièce de Jean Dalric.
Nous avons, je pense, beaucoup à apprendre de l’autre monde, ce monde de l’autre côté.
Ici, c’est du côté du son, mais le même intérêt peut s’appliquer à tous les murs : ceux des croyances, des idéologies, des clans etc
Je vous donne-donc rendez-vous de l’autre côté du mur… du son ..ou de celui à votre convenance. Pour une confrontation de points de vue… ou de point d’audition !
Pour une meilleur entente, comme de bien entendu.
De l’autre coté du mur les malentendants,bénéficient d’une plus grande dimension dans le silence ! Bonne soirée à toi Jean Marie
Entendre n’est pas écouter
Voir n’est pas observer
Sentir n’est pas humer
Goûter n’est pas savourer
Toucher n’est pas ressentir…
Toujours, toujours plus avec Jean Marie 😉… Jusqu’à atteindre… L’inataniable … 😏
Tu montes encore dans les hauteurs….
Celles du son
Une fois passé le mur du son😉
Alors là j’ai mis 5 étoiles parce que pour un dialogue de sourds il est vraiment très explicite et bien formulé, bravo !