. D’où viens-tu Gitan, de retour d’une de ses courses vagabondes. Aurait-il rencontré sa majesté la Mort qui « Telle une femme de petite vertu, arpentait le trottoir du Cimetière » ? Elle ne devait pas avoir l’air si farouche, pour qu’il lui emboîte le pas…. Mais ce soir, la Mort ne voulait pas de lui. Elle s’adonnait à son plaisir préféré, celui de tourmenter l’Homme que CHRONOS le dieu du temps, lui avait désigné. Le prenant au détour d’une pensée, elle le mène dans son royaume, là où l’Amour fut roi, là ou sa jeunesse fut reine et lui dit « ne me quitte pas . ne me quitte pas.. Si tu te couches dans mes bras, alors la vie te semblera plus facile ; tu y seras hors de portée des gadgés et des Imbéciles » . L’Homme que les combats quotidiens avaient usé, fut par cette duperie floué, comme la proie qu’il était, il se laissa attiré puis fut fait prisonnier. Je compare la famille à une grappe de raisins, chaque grain représentant un membre de la famille, et lorsque la mort nous enlève un ancien, c’est un grain de raisin qui est croqué . La grappe familiale s’est rabougrie ces derniers temps. Je crains fort que ces vendanges tardives soient sur le point de s’achever, le froid de la mort a déjà glacé bien des membres de notre famille. Fanfaron, le Gitan avait chanté : « nous les referons à Pâques les vendanges de l’Amour…. », je prie Bacchus qu’il nous accorde le temps nécessaire à la préparation des vendanges à venir. Semblable à ce bon monsieur SEGUIN, je lui criai « reviens, reviens , tu vois bien qu’elle te trompe ».mais c’est en vain que mes cris se perdirent dans les couloirs du temps. Devant cette union avec la déraison, nous ne pouvions que constater l’ inefficacité de nos efforts pour ramener le Gitan à la maison. Où vas-tu Gitan ? Quelles sont les promesses que cette ogresse a bien pu te faire pour que tu reprennes la route menant à l’oubli ? Tu revois ton enfance, le soleil de Provence, les tablées sous les oliviers, tes amis présents au grand banquet des ”souvenirs enfouis”, ta maman, la Fifine. Pendant combien de temps ce guide va-t-il te balader de cours de récrée remplie d’enfants, en photos jaunies, elles aussi victimes du temps qui passe… « Que sont devenus les gars du temps qui passe ? À la guerre ils sont allés, à la guerre ils sont tombés » Apprendrons-nous un jour? Apprendras-tu jamais, toi « Mon pote le gitan qui est un gars curieux », un sacré veinard et débrouillard, pourtant il n’y a pas de suites dans tes idées. « Ça s’en va et ça revient c’est fait de presque rien »… pourquoi s’alerter ? A déclaré le médecin, incapable de changer le cours du temps…. A 88 ans, oui, tu en as vu, tu en as connu des ciels d’orages, des beaux rivages… mais je t’en supplie, « reviens vers Nous ». Il est vrai que ces temps derniers, tu avais compris pourquoi il y avait trop de chaises vides au tour de la table, pourquoi le téléphone ne te dérangeait plus et que ton petit appartement paraissait trop grand. A chaque coup de vent qui t’emporte au pays des rivières sans retour, nous avons beaucoup de peine à te ramener d’un pays imaginaire, dans lequel tu sembles prendre du plaisir à immigrer.. Il arrivera ce jour tant redouté où je n’aurais plus la force de faire avec toi un bout de chemin…. La mort cruelle maîtresse, t’a mis en laisse, nous abandonnant ton corps meurtri et usé par le temps, vide de tous sentiments. Je n’aurais plus mon Beau-père, cet homme à qui j’avais dérobé le trésor auquel il tenait tant : sa fille CATINOU. Profitant de tes derniers moments de présence parmi nous, comment s’appelle cette mort si cruelle ? Tu as du mal à le dire, tant elle si bien dissimulée au fond de tes pensées… souviens-toi une dernière fois.. Ne serait-ce pas ALCASELTZER ? Non… ALZHEIMER peut être ?….. tu ne t’en souviens déjà plus….. moi je ne t’oublierai jamais. . Philippe X – 07/01/2020 . |
Repenses à ce que j’ai vu et dites vous Catinou et Toi que dans ce là haut….on est heureux!
Des pensées profondément émouvantes. Authenticité, cœur, fidélité sont les mots qui viennent à la lecture de vos écrits. Amitiés
Bravo d’avoir trouvé la force, merci d’avoir trouvé les mots. Pour qui a connu aussi funeste comment, et nul n’est épargné, tu sonnes juste comme une guitare éternelle, et frappe au cœur comme un chant des fils du vent. Bravo et encore merci, l’ami. Un renard de tout cœur avec toi et ta Catinou…
Emouvant, sensible, ce beau texte dit magnifiquement les questions que chacun peut se poser
quand il est confronté à cette difficile situation..
Merci Philippe pour ce partage touchant.
Toutes mes amitiés
Chantal