L’équation ou deux mâles en pi – Christian Satgé

Petite fable affable
Un vieux folliculaire bruissant,
Eunuque perdu parmi les jouissants,
Voulant jouer les beaux esprit selon la mode,
Trouva matière, c’était plus commode,
À s’illustrer en moquant prou plus brillant.
Il posa donc problème à un vrai savant
De Marseille, un des génies en puissance
Que comptait le pays qui en avait peu
De ce tonneau, soit dit en toute innocence.
Il pouvait tout prouver, d’un ton sirupeux,
Par un « A plus B moins C que D divise,
Multiplié par E ». Il s’en fit devise.
Pour l’homme rond de corps à l’esprit carré,
Tout hormis la Terre, hélas, pourquoi s’effarer
Était à son image : carré. Sa formule
Démontrait donc qu’un cercle, tête de mule
N’était qu’un carré ayant mal tourné ;
Un rectangle un carré obèse et, acharné,
Losange un carré tourneboulé. Diable !
Lui faire méchante affaire était donc risqué,
Et le baveux, quoique ignorant effroyable,
Car il s’en trouvait bien – allait l’astiquer
De questions quand même – sur le triangle,
Le ton plat, l’esprit obtus,… On eut dit un Angle.
Cette figure disgracieuse – trois côtés,
Une hérésie ! – fut dessinée, annotée,…
L’échotier exige d’en savoir, ruse ?,
Du maître le carré… de l’hypoténuse
Qu’il baptisa « x » et qu’il fallait donc chercher.
Que ne ferait-on pas pour l’autre écorcher !
Après « A plus B moins C que D divise,
Multiplié par E », le magister dit :
« C’est un carré !… La chose est, ma foi, acquise.
Un carré qui fit régime et, guère érudit,
Ne savait pas que cela souvent ampute
Du coin que l’on n’a su boucher. Je suppute
Qu’il n’est donc plus besoin de chercher votre « x »
Qui est couché sur ce trait comme un Phoenix. »
La déconfiture se lisait sur les traits
Défaits du polémiste qui, pris comme traie,
Semblait sucer du citron. L’opiniâtre
“Sachant”, que rien ne paraissait abattre,
Lui fit alors : « Vous ne pouvez pas lutter :
Je suis de ceux qui cherchent à tout problème
Une solution ; vous de ceux, butés,
Qui voient en toute réponse quelque problème.
Restez-en à pisser copies et tout sera,
Si ce n’est meilleur, plus tranquille, Verrat !
 
– Croyez vous à l’impunité de la science ?
Je n’étais pas à la hauteur mais, patience,
Un viendra qui saura démontrer 
Vos erreurs et dénoncer les faux attraits
De vos errements. Il n’est ici-bas de dogme
Que pour soumettre et enchaîner les Hommes,
Jusqu’à ce que l’intelligence commune
Ne les veuille à l’échafaud plutôt qu’à la tribune ! »
© Christian Satgé – avril 2020

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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8 Commentaires
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Invité
12 mai 2020 11 h 09 min

Fable avec un texte finement ciselé et toujours avec une pointe d’humour…. bravo.

Brahim Boumedien
Membre
24 avril 2020 15 h 59 min

Merci, Christian !

Invité
24 avril 2020 13 h 50 min

C’est un festival ! ????

Invité
24 avril 2020 10 h 42 min

Bonjour notre fabuliste Christian très beau texte avec un magnifique message humain, bravo
Mes amitiés
Fattoum.