Vers sots pour un bélier ? – Christian Satgé

Petite fable affable

Loin de l’été qui attise la peau
Et fait braise de tous les oripeaux,
Une brebis rêvait fort à son prince
Dans un concert de clarines, en sa province
De songes, du clair matin de sonnailles
À la brune qui rend l’agneau canaille,
Elle composait, pour son bélier
D’amant, des vers, calame délié.

Lui, pressé comme un lavement, moins drôle
Que risible était toujours dans son rôle :
Robuste ribaud, il couvrait ses brebis
Comme un libertin sans besoin d’un bis.
Ce débauché estimait que, sans zèle,
C’était seul dû que dame ou demoiselle
Pouvait attendre ici d’un mâle, un vrai.

Vouée à la fille du vent, la plume
De la donzelle, toujours sans écume,
Nomadisait sur ce macho ballot,
Sot comme un bulot, fat comme un mulot.
Mais elle prolixe et lui prolifique,
Étaient destinés au plus magnifique
Des amours, ça, elle, elle le sentait :
En ses cœur et âme il habitait.

Lui aussi en pinçait mais l’ignare,
Craignant d’en dire trop, comme font gnares,
N’en disait jamais assez : toujours dispo’,
Il était l’étalon de ce troupeau ;
Cela ne pousse pas à conter fleurette
Ni aux tendres aveux dessus l’herbette.
Comme une autre, il la toisait au vert pré,
La snobait à l’étable à la vesprée.

Lors, cherchant plus un aval qu’un avis,
Il se confia au dogue, ravi
D’expliquer la vie à ce fils d’ouaille
Qui le prend d’ordinaire pour valetaille.
Toutou dit : « À trop cacher ses sentiments,
Comme l’écureuil faisant sa provende,
On finit par perdre, avant les lavandes
Revenues, ce qui fit notre tourment. »

 

© Christian Satgé – juin 2020

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
12 juin 2020 18 h 12 min

He bien ! Cher maître,

Votre fable, si dans la mesure où nous en prêtons bien l’étude d’en inverser les sexes, est parfaite.

A contrario, elle est juste excellente !

Respectueusement, Noureddin.

Invité
12 juin 2020 13 h 22 min

Je trouve ce système d’étoiles très primaire, je vous mets 5 étoiles, cela me rappelle la guéguerre de la Ligue des Poètes, Bon vendredi , bisous

Invité
12 juin 2020 13 h 20 min

Merci, c’est un réel plaisir de vous lire, je ne connais personne qui écrit de si jolies fables, à trop cacher ses sentiments, on dissimule le meilleur, à les dire, ce n’est pas toujours aisé, et tout dépend de celui qui les reçoit ;