J’avais accueilli Marie chez moi car elle m’avait suivi à un concert de gospel, mais avait l’interdiction de rentrer chez elle le soir, et même tout simplement interdiction de sortir le soir.
L’interdiction venait d’un père autoritaire, chef d’entreprise en province, diktat relayé par deux de sœurs avec les quelles elle partageait le même appartement à Neuilly sur Seine.
Très vite, Marie m’a dit qu’elle souhaitait rencontrer l’homme qui lui ferait sept enfants, comme ce fut le cas de son père envers sa mère. Je lui ai répondu que, pour le moment, il n’était pas question de compter sur moi car je l’accueillais juste fraternellement. Comme ce désir devenait le centre de nos conversations, je lui ai proposé d’aller faire ensemble un pèlerinage en Pologne pour bien discerner à quelle relation nous sommes appelés, ce qu’elle accepta de grand cœur.
La semaine précédant le départ pour Varsovie, elle m’avait rejoint, quasiment sans me prévenir, à un rassemblement festif du courant d’amitié Entre Jeunes à Strasbourg, au cœur. de l’Alsace.
Débarquer sans prévenir signifiait partager ma chambre. Or, qui dit chambre dit lit, et qui dit un lit pour deux imagine aisément ce qui s’y passe.
Nous sommes rentrés à Paris par le train réservé pour notre joyeux groupe pour rejoindre le lendemain un autre groupe : celui du pèlerinage Paris-Varsovie. Nous ne nous sommes quasiment pas adressé la parole durant les 3 semaines de pèlerinage, en partie car moi seul avait appris les rudiments de polonais, langue à laquelle nous tentions de nous cantonner, quitte à la compléter par quelques bribes d’anglais, vocable tout aussi étranger à celui de Marie. Cependant, même seul avec elle, on ne n’échangeait pas davantage.
De retour à Paris, je lui ai dit que les choses semblaient claires, que nous n’avions absolument rien à nous dire.
Aussitôt rentrés dans cet appartement qu’elle avait adopté par la force des choses, son père appelait sans arrêt pour lui faire du chantage et même des menaces car elle était sortie de son contrôle. Elle me confirma que c’était à cause de sa violence qu’elle devait rester chez moi, quelles que puissent être les intimidations de son père.
Peu de temps après, elle m’apprit qu’elle était enceinte. J’ai tout d’abord accueilli la nouvelle comme une catastrophe, mais peu à peu, j’ai perçu en moi un sentiment tout à fait nouveau.
Celui de m’attacher à une femme comme à la mère de mon enfant. Bien évidemment, nous avons tout aménagé pour accueillir au mieux cet progéniture qui voulait nous réserver la surprise de sa venue, à savoir un petit lit, un berceau et les mille autres incontournables.
C’est avec un cœur. on ne peut plus léger que je l’ai accompagnée, caméscope à l’épaule, à la maternité de la Providence à dix minutes de chez moi. L’accouchement a duré 24 heures et s’est déroulé dans des conditions très difficiles pour la maman. Car je dois vous dire que Marie était vraiment devenue La Maman, pour elle, pour moi et bientôt pour le bébé !
Durant cette attente nous parlions des 3 prénoms envisagés pour notre premier enfant. Nous avons choisi comme prénom usuel pour ce premier né « Emmanuel » car c’est le nom du premier né du calendrier qui est un répertoire chrétien de tous les saints commençant historiquement le 25 décembre avec la naissance de l’Emmanuel.
Marie fut finalement transférée au bloc opératoire pour une césarienne. A son retour, ni elle ni moi n’avons pu voir le bébé Emmanuel, mais « La maman » m’a raconté qu’elle avait été maltraitée durant l’intervention car, mal anesthésiée, elle a pu entendre toutes les obscénités débités par son obstétricien et son ami anesthésiste, ayant tous deux dû quitter une beuverie copieusement arrosée pour venir au bloc.
Ce n’est que le lendemain matin que le noir cauchemar s’est mué en une grande et joyeuse lumière, et même en une immense grâce : celle de contempler, d’entendre et de prendre dans ses bras son petit Emmanuel !