Septembre – Nathalie Villalba

            C’est en septembre, comme le disait si bien Gilbert Bécaud, que les touristes se retirent et que les habitants retrouvent la quiétude de leur village ou de leurs quartiers.

            C’est en septembre que chacun reprend sa route pour rentrer chez soi, range les valises en haut des armoires et les parasols dans les garages jusqu’au prochain été. L’heure a sonné pour les vacanciers de revêtir les vêtements de travail, les tailleurs ou les costards cravates. La routine viendra effacer les promesses que l’on croyait pouvoir tenir, quand on avait encore le temps de faire les choses et le temps de penser. C’est en septembre que l’insouciance tire sa révérence, que les marins trouvent le répit dans les ports où se balancent, à moitié endormis, les grands voiliers et les yachts des plus fortunés de la terre. Les maîtres-nageurs, les bimbos, les Casanovas, les camelots ont plié bagage, les voleurs à la tire ont déserté, la saison est terminée. Les plages recouvrent leur aspect sauvage, le vent a dissipé les odeurs de crèmes solaires, de parfums envoûtants, de cigarette, d’alcool…

            C’est en septembre que, dans nos villes, retentit de nouveau le sifflement des trains de six heures trente-deux et de dix-sept heures quarante-sept, que renaît le ballet des autobus reprenant du service, avec à leur bord, leurs lots d’écoliers, de lycéens ou d’étudiants qui ont troqué leurs shorts et leurs maillots de bain contre des tenues étriquées. Ils ont ressorti leurs trousses et leurs cahiers pour de longs mois à venir. Les quatre murs de leur classe les mettent à l’étroit. Les veillées sur la plage avec les copains, le feu de camp aux abords d’un chalet de montagne ou bien encore dans le lit d’une rivière ne sont plus qu’un souvenir fugace.

            C’est en septembre que les rues fourmillent alors sous le cortège d’écoliers et de collégiens, cartables sur le dos, à pied ou à vélo, que l’on perçoit les rires et les cris par-dessus les murs des cours de récréation. C’est aussi en septembre que les jeudis chantent à nouveau dans mon quartier lorsque les chorales réinvestissent les locaux de la salle communale.

            C’est en septembre que j’ai plaisir à observer les vendangeurs s’affairant au beau milieu des vignobles et que j’ai hâte de goûter la bernache annonciatrice d’un grand cru. Les jours s’amenuisent et les nuits s’allongent au fur et à mesure que nous glissons vers l’automne. Le vent, la pluie, le soleil s’affrontent sur le bitume et les toits encore chauds. Les champs baignent dans la lumière changeante puis, au petit matin, il semble que la brume les a avalés.

            C’est en septembre que, sur les routes de la Sologne, les sangliers croisent à nouveau les phares des voitures, qu’au cœur de la forêt de Chambord retentit la brame du cerf, que les feuilles arborent une féérie de couleurs ocre, rouges et jaunes à l’image d’un tableau de Léonid Afrenov. Les arbres amorcent leur dévêtement avec la nonchalance des âmes paresseuses. Bientôt, je viendrai m’asseoir devant le feu de cheminée, les châtaignes crépiteront dans le poêle en fonte pendant que je dégusterai la soupe à l’oignon accompagnée de croûtons trempés dans un fromage fondu… C’est ainsi que pratiquait ma grand-mère dans les Alpes de Haute Provence, dès la descente des troupeaux abandonnant leurs estives. Qu’il est bon parfois de lâcher prise, d’ignorer son ordinateur et son téléphone portable pour plonger dans les bulles du passé. C’est aussi le retour du chat, roulé en boule sur le fauteuil du salon : les soirées se font maintenant plus fraîches, il redevient casanier.

            C’est en septembre que les soirées se veulent plus feutrées, que nous rêvons aux belles promenades à venir, le dimanche en famille, en amoureux ou en solitaire, autour des étangs, en bord de mer ou bien encore en forêt, le panier à la main dans l’espoir de rapporter quelques champignons pour le dîner.

A présent, campagnes et villes ont recouvré leur physionomie première et les habitants, leur intimité. Tout semble avoir repris sa place et son rythme. La douce lumière du matin, les ciels éclatant de rose, d’orange et de mauve, au soleil couchant, nous emportent déjà vers octobre.

            C’est en septembre, à la nuit tombante, sous la lumière des lampadaires, que je t’ai aperçue filant sur le trottoir, dans ton manteau léger, ouvert sur ta robe bleue cintrée, sous ton parapluie oscillant sous la pluie fine, ta chevelure flottait dans la brise légère.

Nombre de Vues:

24 vues
Nathalie Villalba

Nathalie Villalba (12)

Je suis enseignante dans un lycée en Centre Val de Loire. Attirée depuis l'enfance par les chansons à texte, la poésie et la littérature en général, j'ai à mon tour pris la plume. J'ai commencé par les rédactions à l'école, puis j'ai écrit mes premiers poèmes au collège. J'ai poursuivi ce long chemin solitaire jusqu'à mes premiers concours littéraires.
De concours en concours, de prix en prix notamment auprès d'Arts et Lettres de France, j'en suis arrivée à la publication dans les revues collectives d'abord, puis j'ai tenté ma chance auprès de différents éditeurs. C'est ainsi que mon premier recueil de poèmes, De tous mes voyages est paru aux éditions Ex Aequo, ont suivi : mon premier roman Cœurs de cendres, la nouvelle Un jour d'été chez Pierre Turcotte, un roman court Le Nettoyeur, publié en ligne par 999 éditions et enfin mon recueil de nouvelles Des jours et des Vies aux éditions Chloé des Lys.
Les voyages, les paysages et mes rencontres sont sources d'inspiration, j'ai toujours avec moi un carnet pour y coucher les mots, les idées ou bien encore les images qui jaillissent aux moments les plus inopportuns comme au milieu de la nuit, en voiture,

S'abonner
Me notifier pour :
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires