Patience – Jean-Marie Audrain

Hier, Alain me disait que son site ayant encore été malmené, piraté sûrement, il va devoir prendre son mal en patience. Je lui ai répondu « Ne te laisse pas aller Alain, patience ».D’où le thème de cette minute philosophique qui nous fera aller de la patience à l’impatience. Tout d’abord patience donc.

 

Ma grand-mère aurait dit « la patience s’appelle aussi la réussite » Elle parlait du jeu de cartes qu’il fallait retourner une à une et une fois la dernière retournée, on savait si on avait réussi ! Une image ne vaut-elle pas mille paroles ? Jetons un cœur d’œil sur le passé.

 

Dans la philosophie médiévale, la patience était appelée la racine de toutes les vertus. On concluait de ce fait que tout abandon de la patience entraînait, dans sa chute, d’autres vertus comme la confiance et l’espérance. Quelques siècles plus tard, on a assimilé la patience à l’âne dont parle Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra, à savoir un animal docile qui ignore le «non ». La patience inclurait donc bien la confiance et l’espérance tel un never say never again, ne dis jamais plus jamais. Avec la patience, tout finira par arriver.

 

Dans l’entre deux, bon nombre de philosophes classiques, de Platon à Spinoza, ont pensé que faire acte de patience, c’est se mettre à l’écoute du monde, avec contemplation.

Pour la philosophie contemporaine, la patience serait la fidélité à l’Idée infinie (pour citer Martin Heigegger). Tout cela est, certes, poétique et métaphysique, mais ne parle pas à tout le monde.

De son côté, Le théâtre a mis en scène la patience, ou du moins le patient, sous un tout autre jour : celui du grippe-sou qui est un homme patient Pensez à l’Arpagon, l’avare de Molière. C’est d’ailleurs le prénom de Picsou, Arpagon Piscou, qui s’oblige à patienter d’avoir toujours plus. La patience de Picsou ne serait-ce pas un peu l’impatience contemporaine. Ne sommes-nous pas soumis à l’accélération sociale du siècle ? Nous n’acceptons de délai que s’il nous semble rentable. Nous sommes focalisés sur le temps des horloges.

Pourtant, surveiller la trotteuse ne la fait pas accélérer.

Au contraire.

L’impatient serait-il un grippe temps ?

 

Un exemple imagé de l’impatience se trouve dans une bulle d’un album des Schtroumpfs de Peyo, dans laquelle le Schtroumpf Impatient trépigne parce que la soupe à la salsepareille met trop de temps à refroidir. « C’est schtroumpfement long, j’ai faim et j’ai pas que ça à faire ! », râle-t-il. Ne tenant plus, il boit, et se brûle la langue. Une occasion inespérée pour le Schtroumpf à lunettes de lui faire la morale : « Comme dirait le Grand Schtroumpf : “tout vient à point à qui sait attendre” ». A qui se montre patient autrement dit.

Dans le mot patience on entend bien la racine « pathos ». La patience peut faire souffrir. Mais la patience, en tant que « pathos », est aussi compassion, celle de qui écoute longuement autrui lui raconter tous les malheurs de sa vie.  Peut-être que le Robert retirera ce mot de son dictionnaire maintenant qu’il suffit de demander quelque chose à son enceinte connectée pour l’obtenir immédiatement, de même pour les commandes en prime qu’un livreur pose sur votre paillasson avant que vous n’ayez le temps de ranger votre carte bancaire . Peut-être que si on demande, demain,  à nos petits enfants ce qu’était la patience, ils répondront « mais juste un jeu, du temps des vraies cartes, du temps de nos grand-mère”.

 

 

 

 

Nombre de Vues:

17 vues
Jean-Marie Audrain

Jean-Marie Audrain (682)

Né d'un père photographe et musicien et d'une mère poètesse, Jean-Marie Audrain s'est mis à écrire des poèmes et des chansons dès qu'il sut aligner 3 mots sur un buvard puis trois accords sur un instrument (piano ou guitare). À 8 ans, il rentre au Conservatoire pour étoffer sa formation musicale.
Après un bac littéraire, Jean-Marie suit un double cursus de musicologie et de philosophie à la Sorbonne.
Il se met à écrire, dès cette époque, des textes qui lui valurent la réputation d’un homme doublement spirituel passant allègrement d’un genre humoristique à un genre mystique. D’ailleurs, il reçut de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France) un grand diplôme d’honneur en ces deux catégories.
Dans ses sources d’inspiration, on pourrait citer La Fontaine, Brassens et Devos.
Lors de la naissance du net, il se prit à aimer relever les défis avec le site Fulgures : il s’agissait de créer et publier au quotidien un texte sur un thème imposé, extrêmement limité en nombre de caractères. Par la suite il participa à quelques concours, souvent internationaux, et fut élu Grand Auteur par les plumes du site WorldWordWoo ! .
Il aime également tous les partenariats, composant des musiques sur des textes d’amis ou des paroles sur des musiques orphelines. Ses œuvres se déclinent sur une douzaine de blogs répartis par thème : poésie, philosophie, humour, spiritualité…sans oublier les Ebulitions de Jeanmarime (son nom de plume). Un autre pseudo donna le nom à son blog de poésies illustrées : http://jm-petit-prince.over-blog.com/
Pendant longtemps il a refusé de graver des CD et d’imprimer ses œuvres sur papier, étant un adepte du principe d’impermanence et méfiant envers tout ce qui est commercial. Malgré tout il vient d'autoéditer le florilège de toute en vie et dans tous les syles : https://www.amazon.fr/Petit-Prince-Mots-dit/dp/B0BFVZGNYM et d'écrire des chansons pour 3 CD d'Ophélie Morival (puis pour d'autres voix amies) : https://www.youtube.com/watch?v=Q0bvWkljrlw.
Si vous ne retenez qu’une chose de lui, c’est que c’est une âme partageuse et disponible.

S'abonner
Me notifier pour :
guest

3 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires
Odile Stonham
Membre
10 décembre 2021 18 h 56 min

Bonsoir Jean-Marie ! Quand j’étais beaucoup plus jeune, ma grand-mère me disait souvent que la patience était une vertu. Je ne sais plus trop sur quel sujet elle me disait cela mais je l’ai retenu. Cela pouvait servir… De mon côté et en général, je suis patiente. Mais il arrive des fois où “ma vertu” est bousculée par un évènement imprévisible et là, tu l’auras deviné, je perds patience. Pour te donner un exemple personnel, mon premier petit-fils est placé en famille d’accueil depuis plus de quatre ans maintenant et la famille et moi ne savons pas quand nous allons le récupérer pour de bon. Tant bien que mal, notre patience supporte cela mais le temps passe et nous vieillissons toutes et tous. De plus, le Covid est toujours là et avec lui, nous ne savons pas de quoi demain sera fait.

Plume de Poète
Administrateur
8 décembre 2021 14 h 49 min

Je commençais effectivement à perdre patience pour cette chronique sur la patience…mais je dois dire que ça vallait le coup d’attendre puisque cette lecture m’a ouvert les yeux…en conclusion je pense qu’il vaut mieux mettre sous après sou de côté au lieu de faire un crédit !
Merci Jean Marie de nous avoir rappelé ces bases élémentaires que nous avons appliqué jadis… malheureusement la vie actuelle en veut autrement et on ne peut que subir…