Mon frère de jeunesse – Philippe Dutailly

Nous avions quatorze ans, presque de souvenirs,

De bêtises communes, de projets d’avenir.

Tout était bien confus mais serait abordable

Car nous savions alors que tout est formidable.

 

Un désir de grandir venu de la naissance

Nous donnerait de fait tous nos vœux de puissance

Pour combattre l’adulte et sa vie compliquée

Qui ne souffrait d’enfant que sage et appliqué.

 

A cet âge où naissent les grandes amitiés

Et nos joies et nos peines se scindaient en moitié.

Tu portais mes craintes, je prenais tes tristesses

Et nos ressentiments s’effaçaient en vitesse.

 

A la mort de Dolly, ma chienne, ma compagne,

Tu sentis ce vide qui encor m’accompagne.

Et quand vint le décès de grand-mère Cécile

Qui nous réprimandait lors de jeux imbéciles

 

Mais qui donnait aussi des tas de friandises,

Je compris ta douleur sans que tu me la dises.

Nous avions la pudeur des gens qui se ressemblent

Dont un seul mot suffit pour saisir un ensemble.

 

Nous avions tous les deux le rejet de l’école,

Ces prisons pour enfants pleines de protocole,

Où l’on réprimandait nos moindres commentaires

Où l’on devait briller ou simplement se taire.

 

Nos plaisirs se trouvaient en dehors des études,

Nous étions des cancres par peur des servitudes.

Les carnets à signer demeuraient nos hantises

Car nous savions le prix des scolaires bêtises.

 

Quand un jour tu parlas de ton départ de France,

Je ressentis alors une sourde souffrance.

Lorsque  je vis partir au loin l’automobile

Et que, sur le trottoir, je restais immobile,

Je sus que ton départ de Garges lès Gonesse

Emportait vers longtemps mon frère de jeunesse.

 

© – Philippe Dutailly – 07 04 1995

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Philippe DUTAILLY

Philippe DUTAILLY (89)

Tombé amoureux de "L'albatros" de Charles Baudelaire, poème appris lorsque j'étais 'écolier et nourri au hasard de Victor Hugo, Georges Brassens, Léo Ferré, Lamartine et beaucoup d'autres, j'ai commencé à faire rimer les mots vers l'âge de 18 ans. D'abord très inspiré par Brassens, j'ai pris, au fil du temps, mon autonomie pour en venir à des textes plus intimes qui, pour certains, servirent d'exutoire à des émotions mal vécues.

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Brahim Boumedien
Membre
2 août 2024 20 h 20 min

Les frères de jeunesse et la période vécue ensemble ne s’oublient pas ! Merci pour ce partage extrêmement émouvant !

Odile Stonham
Membre
2 août 2024 19 h 59 min

Très émouvant et joli à la fois votre texte Philippe ! Sans être indiscrète, vous n’avez jamais cherché à le retrouver ?