XXX – Les filles des pèlerinages – Lucie
L’an qui suivi fut frappé par deux coups de foudres sur la Sorbonne. Le CEP Sorbonne comptait deux prêtres pour aumônier. On les appelait par leur prénom : Jacques et François. François était le grand poète de mon groupe Création et avait même publié avec moi dans le recueil Poiésis (Création en Grec) et Jacques était l’animateur charismatique fondateur du CEP Sorbonne.
Or, cette année là, notre poète nous quitta brutalement sans prévenir. C’est souvent le cas quand le coeur ne suit plus. Quand à Jacques, le jour de ses 40 ans il invita tous les étudiants pour leur faire une surprise : l’annonce de son mariage avec Brigitte, l’étudiante qui était toujours avec lui. Face à ces deux départs inopinés se présenta Alain, un jeune prêtre en clergyman qui dénotait complètement avec ses prédécesseurs. Il nous annonça que, cette année, il n’y aurait pas d’équipe de préparation du pèlerinage annuel au CEP Sorbonne, mais que nous pouvions rejoindre celui de Jussieu, voire celui des jeunes du Sacré Coeur de Montmartre. Peu de temps après, une jeune fille de Montmartre vient nous inciter à rejoindre son pèlerinage. Afin de changer de décor, j’ai rallié cette dernière. Les différences se firent percevoir dès le rendez-vous à la gare Montparnasse : dans un couloir, et non dans le grand hall, L’abbé C.G rassemblait les pèlerins à l’aide d’un mégaphone. Il nous prévenait qu’il faudrait marcher vite et longtemps car nous ferions le moins de train possible. Cette fois c’est moi qui ne connaissais personne et je fus très heureux de retrouver la jeune fille qui m’avait invité et qui se prénommait Lucie. D’étape en étape, je m’éveillais de la lumière de son âme perçant par ses jolies prunelles assorties à son joli sourire. Sur la route, nous avons surtout chanté sans lassitude l’Ave Maria de Montmartre, sur une cadence martiale à l’image de notre foulée. Entre chaque Je vous salue Marie, un « ainsi-soit-il » nous rappelait les préférences des pèlerins : ni latin ni amen.
Lors d’une pause, une jeune femme qui secondait l’abbé C.G Nous fit un enseignement inoubliable que je résumerait par cette phrase : On ira tous au paradis, mais après passage à la moulinette. Donc ceux qui s’attachent à la moto, au rock ou au foot perdront tout cela dans la moulinette de saint Pierre. Pour ne rien perdre au moulinage, il ne fallait s’attacher qu’à Jésus, en conclusion. Lui demandant comment elle s’appelait, elle me répondit : Isabelle Ouen, Ouen comme saint Ouen précisa t-elle. Je retins mon rire apprenant que cette bénie oui-oui s’appelait comme Ouin-Ouin.
Le soir venu, l’abbé C.G sépara les garçons des filles dans deux granges bien distante précisant qu’il placerait des vigiles à leur entrée sachant que la chair est faible. Donc séparation immédiate d’avec Lucie avec qui nous avions commencé à lier de beaux liens fraternels.
Lors de la messe à la Cathédrale, elle a rejoint la chorale des jeunes filles du Sacré Coeur de Montmartre. Dans le train du retour, elle me dit qu’elle me verrait bien à ses côtés à la basilique du Sacré Coeur de Montmartre et me donna plusieurs rendez-vous : le soir pour les complies, les samedis après-midi pour évangéliser autour des Grands Magasins avec son groupe Le Buisson Ardent. Ce groupe avait besoin d’un guitariste-chanteur pour que les passants s’arrêtent avant que l’abbé ne monte sur un banc pour les interpeller. Visuellement sa tenue de clergyman assurait qu’il n’avait rien à vendre, entre les deux bâtiment du Printemps, sans oublier Resucito, un groupe de réflexion théologique. En résumé elle m’invitait à partager toute sa vie. Parfois elle me donnait rendez-vous dans la « salle d’attente » de l’abbé C.G. N’y rentraient et n’en sortaient que les plus belles BCBG de tout Paris, avec leur panoplie au complet : colliers à perles et boucles d’oreilles Cartier, foulard Daniel Hechter et tout le tintouin des femmes de beaux quartiers. Seule Lucie était nature, sans artifice, et c’est pour elle seule que je n’avais d’yeux.
On prenait souvent un temps à l’écart pour faire le point sur nos vies et le fait que, dans tous ce que nous vivions ensemble, nous faisions vraiment la paire, faute de faire le couple. Elle se déplaçait souvent avec sa jeune sœur qui était aussi simple et aussi lumineuse qu’elle. Lucie me dit que sa sœur et elles étaient en discernement de leur vocation. Elle s’en remettraient à ce que lui dirait l’abbé C.G, même si elle, Lucie, était heureusement surprise d’une telle harmonie de nos deux âmes et une telle convergence de nos deux regards.
La semaine suivante, je recevais une lettre du de l’abbé C.G me disant en ces termes « Jean-Marie, je vous somme de ne plus paraître à Montmartre et de ne plus jamais vous approcher de Mademoiselle Rivière (le nom de Sophie) faute de quoi vous m’obligeriez à prendre à votre encontre les sanctions qui s’imposent ».
Je n’ai ni répondu ni insisté. J’ai secoué la poussière de mes pieds sur tous ses groupes et ses groupies et je suis retourné au CEP Sorbonne.
Bien évidemment Lucie ne me donna plus de nouvelles jusqu’à ces derniers jours où en tapant son nom sur un moteur de recherche, je découvre qu’elle est carmélite et auteure de livres sur le Carmel. Je lui ai aussitôt envoyé un mail via son carmel et le soir même elle me répondait : sa sœur et elles étaient rentrées au carmel juste après son engagement à Montmartre auprès de l’abbé C.G et était tenue au silence. Une chose est sûre, elle n’aurait pas supporté un discoureur intarissable comme moi !
Vous avez une très belle plume cher ami. Toujours agréable de vous lire
Merci pour cette belle prise mon cher ami Jea’ Marie. Je crois que c’est Ruffin qui a fait un roman sur le pèlerinage de compostelle. Moi je préfère celui-là. Plus vivant.
Beau parcours en effet. Une vie religieuse bien remplie. Des études sérieuses et toujours le problème de la société à reconnaître les vrais talents. Je me souviens de Word Word woo et de nos victoires mutuelles.
Beau parcours rempli de nostalgie à la fois poétique et musical.
Merci pour ce beau partage.
Beau parcours rempli de nostalgie à la fois poétique et musicale.
Merci pour ce partage.
Je n’étais pas le mieux placé dans ce challenge. Je n’aurais été qu’un père face à un Père…
Cette histoire racontée avec humour mais combien touchante, nous laisse imaginer le déchirement qui accompagne une séparation lorsque l’attirance émane d’une réelle communion des âmes !