XXIII – Les filles des escaliers
Je vais enfin rendre un premier hommage aux grandes absentes de mes précédents tomes : les dames de coeur
En ce qui concerne mes amies de la Résidence Les Iris, vous savez quasiment tout sur ma voisine de l’escalier d’à côté, mon ex-lieutenant Corinne. J’y ajouterai ses amies de collège et lycée, surtout les abonnées aux jeudis après-midi : Sylvie la blonde motarde et Viviane la brune portugaise. C’est à cette période que je me suis aperçu que, comme Balzac, j’étais aux premières loges de la Comédie humaine. La leçon fut vite apprise : pour tout connaître des filles, des femmes, il faut se taire, écouter et admirer discrètement. Manquait certes la figure rouquine, mais j’avais déjà assez à mettre la main à la pâte avec une brune et une blonde.
Corinne était, elle, obnubilée par l’éternelle question : comment savoir où il faut se trouver pour rencontrer au bon moment la « bonne personne ». Par bonheur, c’est cette « bonne personne » qui viendra à elle , par le biais de la télé. Coup de foudre télévisuel pour un homme qui , comme elle , était surnommé « le mouton » à cause de sa chevelure à la Angela Davis, et pour lequel elle a quitté maman et amies pour aller vivre avec lui. Nous avons tous vécu comme un abandon sa décision de plaquer tout et tous, coupant tous les ponts, pour se mettre en ‘concubinage’ comme on disait, avec le chef de la fédération anarchiste alors qu’elle était encore mineure.
Dans la résidence, j’avoue avoir cultivé une vision toute admirative pour plusieurs amies : la grande Catherine, élégante juive originaire du Maghreb, qui habitait l’étage en dessous de chez moi. Je me souviens l’avoir approchée pour la première fois le jour où sa maman, qui, elle possédait un poste de télé, est montée me chercher en me disant ; « Descends vite, Jean-Marie, une nouvelle série de dessins animés va commencer ». C’est ainsi que je me suis retrouvé assis sur le même coussin que Catherine qui m’a révélé son large et beau sourire devant Nounours, Nicolas, Pimprenelle et le marchand de sable, tous en noir et en blanc. A peine plus tard, sa maman est remontée me chercher car elle revenait des Etats Unis et voulait nous faire écouter un 45 tours interdit sur les radios françaises : il s’agissait de l’un des tout premiers disques des Beatles. Je crois que c’est ainsi que Catherine et moi avons appris et aimé la langue de Shakespeare et ses Yeah Yeah Yeah ! Un peu plus tard je descendais chez elle avec ma guitare et nous chantions les succès de Léonard Cohen (Suzanne, So long Marianne etc).
Dans l’escalier après celui de Corinne vivait Hélène. Elle incarnait pour moi toute le charme de la jeune fille séfarade. Nous avions en commun le projet de devenir journaliste. Nos discussions portaient toujours sur des sujets profonds mettant souvent en rapport culture et religion. Plus d’une fois elle m’a demandé pourquoi je ne voulais pas me convertir au judaïsme vu que j’admirais sa façon de vivre sa religion. Elle savait que je l’appréciais à sa juste mesure, mais pour autant je n’aurais jamais pu me marier avec elle, ce qui aurait impliqué que j’accepte ladite conversion et qu’un incontournable détail était incontournable pour le bavard que j’étais et qui ne pouvait imaginer devenir un plus au moins triste sire concis.
Un récit prenant sur les premiers contacts avec la gent féminine, entre autres deux charmantes jeunes filles avec qui l’auteur partagea ses goûts pour la musique, la culture et la religion