Petite fable affable
Au royaume des moineaux du hameau,
Au vieux temps des guerres de naguère,
Cinq de ces oiseaux vivant mille maux,
Obligés pour se nourrir, et encore guère,
De courir comme rats empoisonnés,
Décidèrent de s’offrir en sacrifice
Pour la communauté emprisonnée
Dans les vices du monde et ses artifices.
Au vieux temps des guerres de naguère,
Cinq de ces oiseaux vivant mille maux,
Obligés pour se nourrir, et encore guère,
De courir comme rats empoisonnés,
Décidèrent de s’offrir en sacrifice
Pour la communauté emprisonnée
Dans les vices du monde et ses artifices.
Mais l’auréole n’apportant de bienfaits
Qu’ici-bas, la sainteté ils l’auraient sur Terre
Et dans les airs du bourg. Penser parfait.
Le premier pour fuir les délétères
Colères et ne pas céder à l’Orgueil
Qui vous gonfle aux vents, en vain, d’importance,
Se fit bientôt obstruer le seuil
Des oreilles. Et il n’entend pas, malchance
Le chat qui brise, la lippe à l’envie,
La clôture de silence de sa vie.
Un autre des passereaux, foi naïve
Ou simple candeur, se refusa net
À manger, ayant une peur maladive
D’une Gourmandise – il goûtait l’aneth –
Qui serait « Goinfrerie » fort pécheresse.
L’appétit venant en mangeant, il jeûna.
L’appétit vint pourtant. Mais sécheresse
De la Raison, le repas pas. Hosanna,
Il mourut en vrai martyr pour les autres
Et en obtint plus oubli qu’aura d’apôtre.
Le troisième pour combattre l’Envie
Et mieux, d’un même coup, l’Avarice
Se délesta, par son vœu asservi,
De ce qu’il avait, comme par caprice,
Jusqu’à ses plumes. Il fut donc emporté,
Cet empoté, par une simple brise.
Un des titis rédempteurs, peu porté
Sur la Paresse, comme pris de crises,
Se perdit à descendre et s’élever
Bref à s’agiter jusqu’à en crever.
Ah, combien on moqua ces cervelles
De piafs chez leurs pairs !… Mais le courage
Étant le fort de ces faibles, on eut nouvelles
Du dernier de nos héros : avec rage,
Fuyant le stupre et la fornication,
Se mit au ban des becquetteurs avides
De dessous de bancs ; ce sans-passion
Chaque jour venant, vécut donc à vide,
Sans amour, sans ami, tant il craignit
La Luxure. La folie l’éteignit…
Au royaume des moineaux du hameau,
Depuis, on prétend, non sans sagesse,
Qu’il faut du temps pour résorber nos maux
Et toute œuvre, même pie, on abaisse
À en hâter le début comme la fin,
Surtout si, hélas, fol excès préside
À ses destinés. Las, d’espoirs défunts
Aux railleries l’impatience guide…
© Christian Satgé – novembre 2020
Nombre de Vues:
11 vues