Petite fable affable
Un loup, tyran sanguinaire,
En rien un débonnaire,
Régnait sans partage au bois.
Rampant, Volant, Bête à bois,…
Chacun lui rendait hommage
De crainte qu’un vil dommage
N’écourtât la triste vie
Qu’ils vivaient, las, sans envie.
Car même tapis dans leur antre
La peur leur rongeait le ventre
Quand le loup et ses nervis
Sortaient du bois, que diantre !
Seul à pouvoir lui parler
Un merle laissait perler
La vérité au monarque,
En bouffonnesques remarques
Et cornichonnesque humour :
« Même sans prêcher l’amour,
“Despote” est rédhibitoire
Pour qui veut laisser son nom
Au panthéon de l’Histoire,
Fit-il, un matin. Sinon
À risquer éternelle opprobre,
Il vous faut devenir sobre
Quand vous usez de terreur
Jusqu’au comble de l’horreur.
– Et qu’est-ce que tu conseilles,
Épouvantail à corneilles ?!
– Soyez moins tsarien,
Devenez végétarien
Et vous aimera le plèbe.
Plus, retournez à la glèbe,
Cultivez votre jardin,
Soyez un brin plus badin
Le peuple aime la nature
Tout autant que la droiture. »
Le loup sans plus enrager
Se fait donc un potager.
N’abandonnant pas le trône,
N’abdiquant pas sa couronne,
Il devint jardinier
A remplir ses paniers
Et greniers d’abondance.
Mais un beau jour, pas de chance,
Des taupes se font un nid
Dessous ses sillons prospères.
Et, suivant leur manie,
Ces bêtes trouant leur repaire,
Les enterrent par plaisir,
Les pillent tout à loisir,
Pelleversent et déterrent,
Ruinent cette bonne terre.
Tous ces obscurs cul terreux
Rendent le roi malheureux.
« Sire, pas de violence,
Rappelle avec insolence
Le vieux merle que cris
Et rage, sortent du nid
Réglez en roi le problème ! »
Et l’autre écrase sans flemme
Tous ces gros dômes impies
Qui repoussent sans répit.
« C’est inutile manœuvre
De ne détruire que l’œuvre
Et non son auteur, papy ! »
Glisse alors une couleuvre.
© Christian Satgé – avril 2016