Le poids du savoir, le choc du pouvoir – Christian Satgé

Petite fable affable
Dans un fort lointain séjour, une buse
Qu’en ces montagnes on disait triple, hélas,
À cause de son volume, qu’en excuse,
Elle, elle présentait, toujours très très class,
Comme un encombrant excédent de plumes.
C’est qu’elles lui pesaient comme du plomb
Lui faisant un caractère d’enclume
Face à qui en doutait avec aplomb.Ayant vu les abus de « l’Esprit » chez l’Homme
Elle s’efforça de devenir ballot,
Et comme elle venait, n’étant pas un gnome,
À bout de tout, avec ses commensaux
Qu’elle invitait à la suivre en affaire,
Elle y réussit fort convenablement…
Mais elle avait peu de chemin à faire
Et ses hôtes, rapaces, mêmement.

Cette buse était reine. C’est le problème.
Elle sentit vite chez ses bons sujets,
Même les souriceaux tremblants, tout blèmes,
Qui à sa vue recommandaient, gagés,
Déjà leur âme à Dieu, quelque rebelle
Esprit de parti. Prise par la peur
Que cette meute d’oisons et corbelles
N’courre à l’émeute elle fuit sa torpeur.

Il y a souvent illusion, mode
Et caprins caprices dans les pensers
De la plèbe. Ils naissent, depuis Commode
Et Sévère, de recueils mal pensés,
Lus à la dérobée ou qui circulent
Sous le manteau. Et, par leur faute, on vit
Dans un monde où on n’a rien vu d’Hercule
Mais dont on sait tout, et où à l’envi,
On ne comprend rien mais tout déforme.
La rustre ingratitude ainsi se forme !

Comme il n’est, dit-on en vaux, de bon blé
Né de mauvaise graine, Dame Buse
Fit incinérer les livres, puis a doublé
L’autodafé de bûchers, son infuse
Science lui soufflant, las, de brûler
Qui les avait écrits et, pour conclure,
Celles et ceux qui les avaient lus. Buller
En pareil péril l’aurait fait enflure !

Car la lumière des feux jaillit
En tout lieu dans ses bonnes montagnes,
Signalait son royaume ; elle faillit
Se faire proclamer, par les campagnes
Et les villages, « Monarque Éclairé ».
Mais un hibou se présenta au trône :
On a omis de le mettre aux arrêts !
Puis il ajoute ces mots valant prône :

« De sa propre lueur, luit la Vérité
Jamais flammes n’ont éteint son acuité ! »

© Christian Satgé – juin 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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