Le paon face aux sacripants – Christian Satgé

Petite fable affable d’après A.-M. de Beaufort d’Hautpoul

Repu de compliments un paon, un petit,
Se joignit à l’espèce emplumée des poules,
Ces pécores que presse leur appétit
Et se rient du vaste éventail qui ampoule
L’orgueil de ce si jeune oiseau de Junon.
Mais face aux moqueries, fier de son nom,
Le paon déploie son bel arc-en-ciel portable,
Lui qui ne connaît pas cette indécrottable
Fureur qui meut la plèbe des poulaillers
Et l’a fait toujours bafouer ou railler.
Riche de candeur autant que de parure,
Il provoque plus encore de murmures.
Les jaloux lui cherchent alors des défauts
– À ce jeu-là on est vite en porte-à-faux ! –
« Tu nous morgues car la Nature te flatte,
Fait le dindon. Certes ton plumage est fort beau
Mais, comme nous, tu as pourtant les deux pattes
Dans la fange qui te sera un tombeau !
 
– Et quelles pattes, reprend l’oison : sans palmes !
– Que jamais il ne lave ! » ajoute avec calme
Un gros caneton aimant à fricoter
Avec poussins et poulets à l’ordinaire.
« Priez- le de chanter, ça va vous botter !
Fait le coq du fumier. Un pulmonaire.
– Tout est vrai, mes amis : mon seul avantage
Est dans ces plumes qui valent chuchotages
Et médisances car, toujours, la beauté,
Excitant l’envie, attire la critique
Comme sang et chaleur vous attachent la tique.
 
– Ah oui c’est vrai ça ! Opine au débotté
Une jeune cocotte, ci-devant poule
 De luxure aux regards lourds de cette foule.
La laideur ici-bas ne risque rien
Parce que c’est tout sauf un bien. »
© Christian Satgé – février 2020

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Brahim Boumedien
Membre
25 février 2020 17 h 46 min

Merci, Christian, pour ce partage qui me fait penser à ce que disait un poète de la période omayade ” Si un minable vient me dénigrer à tes yeux, c’est la meilleure preuve que je suis une personne aimable” !