Le lièvre, l’écureuil et le loup – Christian Satgé

Petite fable affable D’après D. Allemand
 
Un grand lièvre, médecin de son état, 
Ayant, hélas, de maladie, perdu sa hase
Se morfondait, à tout heure à l’amer constat
De ne l’avoir pas curée de ses métastases ;
Il parlait même en tout lieu d’ « en finir »
Ayant échoué où il devait réussir.
Notre pitoyable s’en alla courir l’antre
Du loup pour s’offrir à sa gueule, ayant
Perdu sa raison de vivre, le ventre
Creux, le cœur las et l’âme vide. Mais en oyant,
Fort pantois, le quoi et le qu’est-ce de sa quête,
Cette mâle bête noulut de sa requête.
 
« Ne sachant ni tromper, ni feindre, ni mentir,
Je te refuse céans la mort ce que tu cherches :
Tu ne vois que ton passé, et en faux derche,
Veux que je fasse, pour que cesse ton pâtir,
Ce que tu n’oses te faire à toi-même.
Va de l’avant, et à nouveau aime :
Les remords et les souvenirs qui t’ont épuisé
Et t’engluent sont des nasses de naze friandes.
Inutile de me tenter, de me tantaliser :
Le stress est mauvais, je le sais, pour la viande ! »
 
Or, non loin de là, un jeune et bel écureuil
Devant l’Éternel, grand accapareur de provende
Geignait en la ramée, vivant un autre deuil :
Il ne retrouvait plus noisettes ni amandes
Amassées plus tôt en ses nombreux magasins
Alors que les treilles portaient encor’ raisins.
Il comprit alors qu’il ne pourrait prou survivre
Aux frimas prochains. Donc, pour hâter son trépas 
Il court chez notre Ysengrin, se dit las de vivre
Et, là, incontinent, se propose à ses crocs.
Mais sa piètre chair ferait un maigre rôt !
 
« Voilà une idée fort saugrenue, sotte bête.
D’abord parce qu’un vrai loup se fait fierté 
De ne devoir pitance qu’à soi, liberté
Qui fait que parfois je jeûne ou m’use gambettes
Pour, là, quelque potelé chapon chaparder 
Ou volailles voler sans trop y regarder.
Mais, las, je ne suis pas un vil croque-mitaine :
Au pauvre malchanceux effrayé par demain,
Comme au malheureux qui pleure comme fontaine,
Hanté par hier, je ne donne coup de main.
Qu’ils sachent qu’aujourd’hui est un présent qui offre
Des chances de regarnir leurs cœur et leurs coffres. »
 
© Christian Satgé – janvier 2019

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
15 juillet 2019 20 h 47 min

L’art de se mettre à la place du Loup

Invité
15 juillet 2019 11 h 40 min

Merci pour cette fable intéressante
J’y vois un appel à toujours aller de l’avant quoi qu’il se passe dans la vie
Belle suite,
Marine