Le lézard déguisé – Christian Satgé

Petite fable affable

Aimant à se lever devant l’aurore,
Un lézard malotru et mâtineux,
Ayant l’âme d’un vrai conquisadore,
Face tannée, peau boucanée, haineux
Envers sa race, promenait sa peine
Et sa morne résignation
Dans des rocailles en désolation.
Il y aurait péri – Peur ? Couardise ? –
En attendant sans rien faire, là,
Ni pour la provoquer en quelque guise
Ni pour l’inviter, ce grand échalas,
La providentielle chappe-chute
Qui, jour et nuit, le nourrirait.
Or, il trouva ce petit fute-fute,
Une mue de vipère sur un crêt.

Très vite, il se para de cette égide
Berné, sifflé, moqué voire joué
Par ses proches et prochains trop rigides
Qui ne savent pas qu’un jour, fort roué,
Messer Loup voulut s’aider pour ses chasses
De quelque peau d’un feu Maître Renard,
Génie en fait de tromperie, audace
Qui le porta au sommet de son art.
Il part, ainsi vêtu, de par le monde.
Il croisa la cigale et une fourmi
Causant entre elles haut et fort que l’immonde
Fit fuir. Il rencontra, peu amis,
Un grand lièvre coursant sa commère,
Une tortue bien carapacée,
Qui, tous deux hors d’haleine, l’ignorèrent.

Le lézard vit, sur la branche d’un chêne
Indifférent au vent, un corbeau noir
Râlant après un voleur, un sans gène
De goupil qui lui avait fait choir
Son frometon. L’habillé l’interpelle.
L’oiseau reste coi : il n’a guère vu,
Ni entendu, le saurien dont pèle
Sa livrée d’occasion, m’as-tu-vue,
Et son logis enroché se rappelle.

Il a compris que le meilleur moyen
De devenir quelqu’un est encore,
Même si l’on est varan ou pécore,
De rester soi-même, Citoyen !

© Christian Satgé – Décembre 2019

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
6 janvier 2020 20 h 34 min

Oui cela est bien vrai rester soit même.. chacun l’apprendra un jour à ses dépens .
Merci, je vais de ce pas revêtir ma peau et la garder..
merci de ce texte..
Amitié à vous Christian..
Anne