Le glaive et le bourreau – Christian Satgé

Petite fable affable
Sur Le chêne et le roseau, Jean de La Fontaine, Fables, Livre I-22
 
Noble, Thémis dit au capon :
« Donc vous n’avez point de remords, pas d’état d’âme ?
Pour avoir fourni à l’Allemand des wagons
Plein de juifs – vieux, enfants, femmes –
Durant toute l’Occupation ?
Pour avoir fait noyer par balles
Des Algériens processionnant
Contre cette guerre qu’on a faite à Oran,
À Constantine la Rouge, Alger la Fatale ?
Car vous avez beaucoup duré.
Tout vous fut bon pour déporter vos prochains,
Les détruire ou bien les faire aller à Cochin
Après les avoir torturés 
Ou frappés à coups de machin !
Vous, pétainiste fait gaulliste…
Que rajouter à cette liste ?!
N’auriez-vous que vos traits qui paraissent humains ?!
– Silence, foutre-Dieu, répondit le malin,
Il suffit ! Parlez de ce que vous connaissez !
J’en ai assez d’être pour Clio une cible 
Et d’entendre ainsi chacun bavasser,
Tous ces sans-cœur soudain devenus si sensibles
Car, en toute situation,
J’ai toujours servi ma Nation,
Mon Pays… où la fin justifie les moyens !
Moi, j’ai fait respecter, partout et toujours, l’Ordre ;
Et pour l’État servi aux ordres.
Je suis donc un bon et honnête citoyen !
– Nullement inscrit au casier  ! –
Vous me voulez tous coupable
Mais, fonctionnaire, je ne suis pas responsable !
Et Vous donc, durant ces années-là, vous faisiez… ? »
 
© Christian Satgé – mai 2011

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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