Le docte et chaste clerc – Christian Satgé

Petite fable affable

 

En un lieu où on avait dit adieu
À un Dieu, hélas, devenu odieux
À d’aucuns, au nom du progrès le plus moderne
On se référait au Savant, sage ou baderne,
Pour répondre à toute taraudante question
Et conduire notre vie à sa destination.

Devenu un profond puisard de science,
L’un d’eux fut promu directeur de conscience.
Roide comme un simple poteau d’exécution,
Et sentencieux dans son élocution,
Nul mot ne passait le nœud serré de sa gorge
Qui ne fut pris pour ordre ou fort nourrissante orge.

De sa race, il était donc le plus écouté
Malgré sa sécheresse et son austérité :
Son savoir semblait sur tout sujet sans limite ;
Il était un modèle, un de ceux qu’on imite ;
Révéré par tous et même adoré partout,
Ce chaste érudit menant sainte vie surtout.

La modération était sa seule idole,
L’abnégation, ma foi, sa seule auréole.
Mais notre intransigeant était un intrigant,
Plus Tartuffe et Janus que le pire brigand :
À la nuit advenue, il abaissait son masque
Et sous le baldaquin des étoiles était fantasque.

Rut aux reins malgré sa conscience d’airain,
Notre bon gaillard se faisait paillard nourrain,
Lui qui méprisait plaisirs, gâteaux et crèmes
Jetait alors à bas sa face de carême,
Faisant passer la panse avant la danse, ici,
Là, régnant sur la commune voyoucratie…

On le trouva mort de ses excès, perdit fame
Et aura, sauf auprès de quelques bonnes femmes
Cherchant trop les lueurs de ces êtres brillants,
Qu’elles pensent aussi purs que certains diamants,
Alors qu’il n’existe de ville lumière
Qui n’ait ses ruelles sombres, ses chaumières,… !

 

© Christian Satgé – mai 2018

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Aldrick M
Membre
13 mai 2018 12 h 46 min

Super bien écrit, c’est rythmé et lourd de sens, j’ai aimé ma lecture.
Merci Christian !
Amicalement
Aldrick