Petite fable affable
Là même l’ombre prend le soleil
Qui cogne d’or et frappe de vermeil.
Rat de marais et pilleur de combes,
Courant dès mâtines prés et bois,
Un croquant, plus vif qu’une palombe,
Se tapait fort la cloche, aux abois.
Fils des chemins et du mauvais temps,
Clopin-clopant, il n’avait que hardes
Harassées, ce vil bouffeur de vent,
Ce vain buveur de pluie. Vacharde
Est la vie aux pieds fatigués,
Aux souliers troués par tout gué.
Chemin faisant, notre errant las croise
Un porcelet qui, de son gras, le toise.
Cette tête de lard n’était de ceux
Qui habillent de fort belles phrases
La nudité des mots car, chanceux,
Il venait des rives de l’Iroise.
Le hère sautant rûs et repas
Sans fin lance à ce goret tout triste
Allant en sa natureté : « Pas
De bonne fortune, Aquaboniste ?
– J’ai ducats et pistoles en bon nombre,
Et florins et doublons dans leur ombre
Mais je perds la faim. Le goût de vivre
Me fuit : à quoi bon poursuivre
Quand la richesse m’offre des amis
Aussi intéressés qu’insincères ?
Chétive créature, est-il permis
De continuer quand le cœur vous serre ? »
Lors, l’autre qui avait des idées
à défaut d’avoir de la cervelle,
Lui fait : « Ah, Dieu t’a guidé
Vers qui a pour toi bonne nouvelle :
Je vais mettre un terme à ton mal
Dans le même temps, bel animal,
Qu’à tous mes tourments et à ma peine ! »
Pour aider ce vain prochain, sans gêne,
Le gueux l’occit sans plus de détour
Et le gloutit comme font Suèves.
Si toute nuit finit un jour
C’est, las, souvent dans un mauvais rêve !
© Christian Satgé – mai 2021
Enorme Christian, comme d’habitude
Merci Arnaud pour cet hasardeux détour sur les chemins de traverse de la cruauté fabulistique. Au plaisir de vous lire…