Le cochonnet ayant les boules – Christian Satgé

Petite fable affable

 

Là même l’ombre prend le soleil

Qui cogne d’or et frappe de vermeil.

Rat de marais et pilleur de combes,

Courant dès mâtines prés et bois,

Un croquant, plus vif qu’une palombe,

Se tapait fort la cloche, aux abois.

 

Fils des chemins et du mauvais temps,

Clopin-clopant, il n’avait que hardes

Harassées, ce vil bouffeur de vent,

Ce vain buveur de pluie. Vacharde

Est la vie aux pieds fatigués,

Aux souliers troués par tout gué.

 

Chemin faisant, notre errant las croise

Un porcelet qui, de son gras, le toise.

Cette tête de lard n’était de ceux

Qui habillent de fort belles phrases

La nudité des mots car, chanceux,

Il venait des rives de l’Iroise.

 

Le hère sautant rûs et repas

Sans fin lance à ce goret tout triste

Allant en sa natureté : « Pas

De bonne fortune, Aquaboniste ?

 

J’ai ducats et pistoles en bon nombre,

Et florins et doublons dans leur ombre

Mais je perds la faim. Le goût de vivre

Me fuit : à quoi bon poursuivre

Quand la richesse m’offre des amis

Aussi intéressés qu’insincères ?

Chétive créature, est-il permis

De continuer quand le cœur vous serre ? »

 

Lors, l’autre qui avait des idées

à défaut d’avoir de la cervelle,

Lui fait : « Ah, Dieu t’a guidé

Vers qui a pour toi bonne nouvelle :

Je vais mettre un terme à ton mal

Dans le même temps, bel animal,

Qu’à tous mes tourments et à ma peine ! »

 

Pour aider ce vain prochain, sans gêne,

Le gueux l’occit sans plus de détour

Et le gloutit comme font Suèves.

 

Si toute nuit finit un jour

C’est, las, souvent dans un mauvais rêve !

 

© Christian Satgé – mai 2021

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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