Le canard déconfit – Christian Satgé

Petite fable affable

Canard soigne le gras de son foie
Et le dodu de ses cuisses,
Sans gêne, en squattant souventes fois
La cuisine de la vieille Alice.
Il y parade pour s’y bien gaver,
Sans l’ombre d’une vergogne.
Ce mirliflore, à l’abondant duvet,
Réclame, sans que la rogne
Gêne Alice, son dû et au-delà,
Dans ce pays où la glèbe
Saigne le vin, l’orge et le blé à tout va
Sans faire suer la plèbe.

Cette terre est bonne, notoirement.
Donc, hors les fous et les faibles,
Nul ici ne gourmande les gourmands.
Aimant le vin de hièble.
Le chien du lieu hante le bar du coin
Dès qu’on lui donne une pause ;
Comme des hommes il sait le baragoin,
Sait les secrets les moins roses
De ceux-ci et d’Alice leur amie.
Il dit à Canard des choses
Qui l’effrayèrent, et pas à demi :
« La Vieille t’offre ta dose
Pour t’inviter au festin de Noël,
Comme mets et non convive ! »
Cela parut irréel,
Glaça Canard, le mit sur le qui-vive.

Il se mit donc à penser…
L’autre lui avait mis la puce à l’oreille,
Et celle-ci a glissé
Dans son gros cou. « Maudite soit la vieille ! »
Mais pour Canard, réfléchir
Provoquait maux de tête et cent fatigues.
Son humeur vint à fléchir :
Finis pâtes, potées, pâtés et figues
Car il perdit l’appétit
Avec ses illusions. Mais l’Alice
C’n’est pas une décatie :
Elle n’aime pas se priver de délice !

Comme Canard maigrissait,
Elle décida que la casserole
Devait vite et sans procès
L’accueillir pour qu’il y tienne son rôle
Avant d’être rabougri.
Malgré ses sacrifices, c’est la hache,
Au fil fin jamais aigri,
Qui mit fin aux jours de Canard, Babache
Vivant comme un patachon,
La gamberge en deuil, tout en gourmandise,
Et ne fut que cornichon.
Malin ou pas, quoi qu’on dise
Et tente en dernier ressort,
Même si la solution est adroite,
Pour échapper à son sort
Il se pourrait bien que sa fin on hâte.

© Christian Satgé – juillet 2015

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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