La marmite et la soupière – Christian Satgé

Petite fable affable
D’après La marmite de terre et la soupière d’argent
de Charles Porphyre Alexandre Desains
« Sic vos non vobis » (Virgile)

Mijotant et mitonnant le quotidien
Frichti, une marmite de terre au feu mise,
Se dit : « C’est dimanche, le jour des chemises
Blanches et d’un faste modeste gardien
De la tradition dans cette humble chaumine
Où je cuisine, sans art, le pot et le rôt
Chaque autre jour que Dieu fait, qui file ou chemine.
Il faut donc que je m’applique avec les poireaux
Les carottes, les patates,… et, pis, la viande.
Ne pas trop bouillir et ne point trop rissoler :
Ma fricassée se doit d’être des plus friandes,
Je dois la fricoter mieux que cassolets ! »

Prenant le plus grand soin à être délectable
Et le temps d’être ragoûtant et savoureux
Afin d’honorer la dominicale table,
La marmite songe déjà aux regards heureux,
Aux lippes gourmandes, de saveurs délicates
Se parfumant, de goûts succulents se parant
Et, pour être inoubliable, joue de l’aromate,
Travaille son moelleux autant que son piquant.
Jamais cocotte, ma foi, ne fut plus habile
À plaire, ne fit tant de labeur ni ne mit
Tant de cœur à son ouvrage ayant grande bile
À l’échec : il faut tenir ce qui est promis !

À l’heure du repas, savourant déjà le silence
Du dîneur qui vaut le plus beau des compliments,
Voilà qu’on place son œuvre, sa succulence,
Dans la soupière de faïence dormant
Au dressoir tous les jours de la sainte semaine
Et qu’on la remise, hélas, sans plus de procès,
À l’évier comme tous ces énergumènes
D’ustensiles ou la vaisselle qu’on va brosser.
Ainsi tout le mérite de la vielle marmite
Passa, pour les hôtes venus ce jour ruper,
À ce beau plat de service désoccupé
À qui on fit honneur… et pas en chattemite.

Même si l’habit ne fait le moine ici-bas,
On vaut toujours moins que sa vêture, Papa !

© Christian Satgé – juillet 2018

Nombre de Vues:

64 vues
Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

S'abonner
Me notifier pour :
guest

2 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires
Invité
4 août 2018 13 h 16 min

Bravo Christian un délicieux texte voyez-vous mon ami la possibilité de votre génie qui est capable de s’inspirer de tous les sujets mes félicitations , un succulent partage d’une fable affable, oui ce rituel familier est agréable ça permet de grouper la famille autour d’un bon mets. Puis les jolis vêtements ça ravit les âmes, même si la beauté de l’âme est plus importante que nos apparences.
Agréable journée
Mes amitiés
Fattoum.