La crue
Le ciel, noircit de gros nuages,
Déversait une pluie d’orage
Qui inonda rapidement
Paris en plein affolement.
Le zouave du pont de l’Alma
Sans pèlerine s’enrhuma.
Tous les Parisiens paniquaient
Parce que la Seine engloutissait
Les quartiers pauvres, les quartiers chics,
Sans préférence hiérarchique.
On vit, près de la tour Eiffel,
Le bateau mouche présidentiel.
Le président, solennellement,
Déclara au gouvernement
Que ” face à la Seine en colère,
Nous sommes sur la même galère ”
Mais, dans la cale on ranimait
Quelques immigrants qui ramaient.
Arrivé place de l’étoile
Comme un accroc dans une toile,
Il dit, alors qu’il sanglotait,
Que la nation périclitait !
Le vaillant soldat de Verdun
Était la proie des ragondins.
Gisant dans le palais Bourbon,
Quelques députés moribonds
Avouaient enfin leurs impostures
Et sombraient dans des conjectures
Car la Seine s’activait d’emblée
A faire dissoudre l’assemblée.
Mais le Français reste un joueur
En dépit même de son malheur
Et, faute de tiercé de chevaux,
Il fit des courses de Pédalos.
Le vainqueur remportant la mise
Gagnait un voyage à Venise.
Et le gouvernement en place,
Débordé, ne sachant faire face
A une pareille conjoncture
Dit ” de se serrer la ceinture ! ”
Mais il parlait, dans ce langage,
De la ceinture de sauvetage.
Un beau jour, au soleil radieux,
La crue, enfin, fit ses adieux.
Tous les gens étaient satisfaits
Sauf quelques touristes défaits
Qui, en trophées, se chamaillèrent
Quelques noyés qu’ils empaillèrent.
Dans le journal de vingt heures,
Le langoureux présentateur
Dit, que cette décrue bizarre
N’était en rien due au hasard
Mais qu’elle venait, assurément,
Des prières du gouvernement.
Les gens crurent ces affirmations,
Il regagna les élections……
14 04 1978
Il y a des textes que je lis silencieusement et d’autres dont s’impose à moi, dès leurs premiers vers, la lecture à haute voix.
C’est le cas pour votre texte que j’ai ien apprécié et qui musicalement dit bien plus…qu’on ne pourrait penser.
Mais il me faudra plus loin aller chercher.
Merci, Philippe, pour cette “crue” de rythme et de rimes si bien recherchés et de l’humour de l’humeur de votre texte en son entier.
Un bien joli conte… qui compte en ces temps où l’eau monte dans mon sud-ouest.
Délectable à lire Philippe