Gloria Lasso (née Rosa Coscolin Figueras, en Catalogne) fut, semble-t-il, secrétaire puis assistante dans une radio locale jusqu’au moment où elle eut l’opportunité de remplacer une speakerine à Radio-Barcelone. Pendant cette période, elle chanta : le public en redemanda, car elle avait une voix d’une extraordinaire pureté. Je ne sais pas comment se déroula le début de sa carrière en Espagne, mais elle vint en France au moment où la mode était à l’exotisme latin qu’avait lancé l’Italienne Rina Ketty avec « J’attendrai » et « Sombreros et mantilles » ; lesquels furent, dès 1938, d’énormes succès.
Marie-José (1914-2002), la chanteuse de tangos, avait repris, elle aussi, des chansons exotiques, dont « Amor, amor », « Besame mucho » ou « Si vas à Calatayud ». Il y eut Luis Mariano et Dario Moreno, chanteurs à voix et à accents. L’Italie, dans les années 1950, était représentée par le quartet Marino Marini créateur, en France, de « Guarda che luna » ou « Guaglione » qui deviendra « Bambino ». Mais, peu de temps après son arrivée à Paris, Gloria Lasso devint célèbre. Elle chanta dans quelques cabarets puis passa sur l’antenne et enregistra son premier disque français : un 45 tours (4 pistes) chez Pathé Marconi (« La Voix de son maître »). Ce disque sort en 1955 et il comprend « Dolorès », « Mandolino », « Quand je danse dans tes bras », et « Ave Maria no morro » (morro : collines couvertes de favelas) :
« Quelques toits de planches,
Qui s’accrochent aux nuages
C’est le morro à Rio de Janeiro…»
Un boléro, magnifique, composé par le brésilien Herivelto Martins et francisé en 1954 par Jacques Larue, qui fit fureur dans les dancings et les night-clubs. Mais c’est son deuxième disque 45 tours avec « L’étranger au paradis », un des airs de la comédie musicale Kismet – créée en 1953 à Broadway – adapté par Francis Blanche qui triompha. Il fut le premier disque vendu en France à un million d’exemplaires. Dès lors, elle enchaîne les enregistrements et elle devient une très grande vedette : jusqu’en 1964, parurent chez Pathé Marconi quarante-six 45 tours. Entre autres, elle chante (en français et en espagnol) « Amour, castagnettes et tangos », « Le torrent », « Adieu Lisbonne » (1956) ; « Bon voyage », « Padre Don José » « Bambino »; « Histoire d’un amour » (1957) , « Buenas noches mi amor », « Gondolier », « L’oubli », « L’ombre sous la mer » « Diana » « Te quiero » (1958) ; « La chanson d’Orphée », « Adieu tristesse », « Sois pas fâché » (1959) ; « Valentino » (1960) ; « Le goût de toi » (« Sabor a Mi », créé par Alvaro Carillo) (1961) :
« Tant de jours, tu m’as tout donné, mon amour,
Tu as su partager mes joies tant de jours
Que j’ai gardé malgré tout
Au fond de moi, je l’avoue,
Le goût de toi » ;
« Moliendo café » (1962), etc.
Hélas, pour elle, à partir de 1958, de « Gondolier », elle se heurte à une rivale : Dalida, lancée par Lucien Morisse (1929-1970), directeur artistique à Europe N°1 qui l’épousera en 1961. Très amoureux, il va inventer, à l’intention de Dalida, « le matraquage publicitaire », passant une de ses chansons toutes les heures. Ainsi, finira-t-elle par l’emporter sur Gloria Lasso d’autant que celle-ci se ruine dans une vie sentimentale compliquée. Elle s’est mariée plusieurs fois sans que ces unions soient des réussites, mais de son premier mariage espagnol en 1938, elle a eu trois filles. À l’arrivée de la vague « yé-yé », elle part au Mexique où elle fera encore une très belle carrière. Elle revient en France de temps à autre à partir de 1971. Elle y enregistre quelques disques qui passent inaperçus. Son temps est fini. Il n’en reste pas moins vrai qu’elle fut une des plus grandes représentantes de la chanson romantique de 1954 à 1964 et qu’elle a vendu, entre 1955 et sa mort, 80 millions de disques dans le monde.
Elle s’éteint au Mexique à Cuernavaca dans l’État de Morelos, à l’âge de 83 ans, victime d’un infarctus. Elle sera incinérée et, selon l’article de Wikipédia, « ses cendres sont déposées dans la crypte de la cathédrale de Cuernavaca (…), avec l’inscription “Buen Viaje”. » Cuernavaca, dont on affirme qu’elle est la « ville de l’éternel printemps », tant son climat est agréable et régulier.