Dure journée d’un adolescent – Philippe Dutailly

Le soleil brille au travers du vitrage de la fenêtre fermée.

Allongé sur ton lit, tu te fous bien de ce qu’il y a dehors.

Ta console de jeux t’envoie dans ton univers virtuel.

Tu es tout entier dans ton histoire. Tu es le héros !

Tu es sur tes gardes. Ta vie est en danger.

Tu as des ennemis partout. Ils en veulent à tes vies !

Heureusement, ta kalachnikov est ta meilleure amie.

Attention y’en a un derrière un porche. Paf !

Super ! Tu l’as eu. Un autre au coin de la rue. Cool !

Des jets de sang jaillissent, tu lui as fait la peau !

Soudain, Ah ! La racaille t’a eu par derrière.

Tu vas être obligé de gâcher une autre vie.

Des sirènes d’incendie résonnent près de chez toi.

C’est la maison des voisins qui brûle.

Trop de bruit ! Tu mets ton casque et la musique plus forte.

Plus tard, tu as faim ! Tu vas dans le réfrigérateur.

Ah, il ne reste une portion de pizza !

« Quand est-ce qu’elle va faire les courses,

Y’a plus rien à manger ! Que des conserves même pas bio ! »

Tu te vautres dans le canapé en regardant la télé,

des miettes et de la tomate tombent entre les coussins.

Des flashs d’actualité passent en boucle.

Des inondations, des guerres, des incendies,

des flics qui cognent sur des manifestants, du sang,

Des meurtres, des enfants qui meurent de faim.

C’est pas ton  problème ! Tu changes de chaines

Jusqu’à ce que tu trouves ta série préférée !

Des chevaliers s’entretuent ! Ils veulent tous devenir roi.

L’héroïne est une fille splendide, ils la veulent aussi.

Trahisons, viols, corps mutilés, les têtes tombent..

Avec moi les preux ! Mort aux faibles !!!.

La mère arrive du travail. Elle est éreintée.

Elle a passé sa journée à faire des ménages.

Les trajets dans le métro l’épuisent.

Elles a des gros cabas pleins de courses.

Tu peux venir m’aider ? dit-elle

« Peux pas ! Pas le temps !  »

Tu te remets à jouer à la Playstation.

Ta mère te dit « T’en a pas marre

De passer ta vie sur tes jeux idiots ?

Viens plutôt avec moi. On pourrait aller au cinéma.

Ça te sortirait un peu…»

Alors, outré, tu réponds :

Ça c’est la meilleure ! C’est d’la provoc ?

Et après, tu dis que je passe ma vie sur les écrans !!!!!!

Dehors il pleut. Ta mère ouvre la fenêtre.

                                                                                                      © Dutailly Philippe – 28/09/2023

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Philippe DUTAILLY

Philippe DUTAILLY (89)

Tombé amoureux de "L'albatros" de Charles Baudelaire, poème appris lorsque j'étais 'écolier et nourri au hasard de Victor Hugo, Georges Brassens, Léo Ferré, Lamartine et beaucoup d'autres, j'ai commencé à faire rimer les mots vers l'âge de 18 ans. D'abord très inspiré par Brassens, j'ai pris, au fil du temps, mon autonomie pour en venir à des textes plus intimes qui, pour certains, servirent d'exutoire à des émotions mal vécues.

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Brahim Boumedien
Membre
29 septembre 2023 15 h 24 min

C’est ce que j’appelle “Quand la vie perd son prix” ! Merci pour ce partage intéressant et utile !

Plume de Poète
Administrateur
29 septembre 2023 10 h 19 min

Merci pour cette tranche de vie Philippe, c’est toujours un plaisir de vous lire et tellement vrai…