Demain Je vais sourire à Julie
et pleurer dans mon lit
J’ai mis mes amours sur un compte épargne
et la vie a bien maquillé mon visage,
avec des rides de lassitude
comme les nervures d’une feuille d’automne.
Mon mari a dû oublier de rentrer
ou bien il ne faisait que passer
pour déposer Julie.
Julie c’est ma fille,
un minois à exploser l’amour,
une douceur à hurler,
elle est belle à en dégoûter la mort.
Julie elle pense que son père s’est dissous dans le vent,
elle a juste une photo, c’est si loin.
Ce soir je vais retrouver mes oubliés,
les vieux, les ancêtres,
les aïeuls, les anciens,
ceux qui ont la vie qui s’échappe de partout,
ceux qui traînent leur tristesse
comme un vieil ours en peluche,
ceux qui sont pleins d’un passé
qui se perd dans les limbes fleurissants
de leur mémoire en fuite,
ceux que l’on n’écoute plus
et qui finissent par se taire.
Je vais leur parler,
leur passer un peu de tendresse sur la peau,
leur donner des gages d’importance
et faire revivre leur vie.
Et puis je vais rentrer dans mon deux pièces
qui sent les impayés,
la moisissure et les repas
trop vite oubliés.
Je vais sourire à Julie
et pleurer dans mon lit.
Je vais rechercher mes rêves
qui divaguent dans les territoires perdus
de ma désespérance.
Et puis je vais tricoter
toutes les petites choses,
pour me remplir, pour repousser
les impossibles nauséabonds
qui poussent dans ma tête,
même les dimanches de printemps.
Je vais oublier mon dos
avec ses bouquets de douleur
qui labourent mes nuits
dans de sauvages chevauchées.
Demain Je vais sourire à Julie
et pleurer dans mon lit
pleurer dans mon lit
Christian Dumotier