Conte à compter – Christian Satgé

                                                   

                                                                                  Petite fable affable

Dix moutons, dans un pré clôturé, gambadaient
Et folâtraient en l’absence du vieux berger.
Rêvant de liberté, ils voulaient s’évader,
Au plus loin des fils barbelés, déménager.

Au soleil couché, ils furent neuf à filer :
L’aîné de la mêlée s’était ensommeillé.
Ces neuf moutons bien pressés de se défiler
Fuyaient à travers pré, par la lune veillés.

Ils sont arrêtés par un torrent agité
Qui n’est pas ponté. Ils hésitent à s’avancer
Mais les huit mieux trempés à l’eau se sont jetés ;
Seul, le plus petit n’a pas osé s’élancer !

L’air grise et la cloche tinte aux sauts de biquets
De nos huit casse-cou encore en randonnée.
Quand Bobbi, le chien du berger a rappliqué ;
Le plus peureux, aux abois, se laisse harponner.

Les fugueurs n’étaient plus que sept à galoper
De forêt en fourrés… Et sans se retourner !
Mais dans sa course, le plus gourmand est stoppé
Car il veut brouter pour commencer sa journée.

Aussi, à son lever, le jour n’en a trouvé
Que six, qui encore cavalaient dans l’air frais,
Car le plus gros, dans une haie, s’est retrouvé
Bloqué, sous l’œil d’une grosse chouette effraie.

Les pattes dans la rosée, cinq moutons couraient
Et bondissaient, heureux, par-dessus les fossés.
Le plus distrait voit, dans un grand champ labouré,
Un merle et en oublie les autres qui fonçaient.

Quatre moutons se sont reposés, harassés.
Au pied d’un marronnier dénudé, ils paissaient.
Le berger en a profité pour embrasser
Et ramener le plus calme sans le blesser.

Le long d’un chemin tortueux et lessivé,
Les trois galopins déjà repartaient ;
L’un d’eux, voulant sauter le mur qui le suivait,
S’embourba alors que les autres s’écartaient.

La joie a fui le cœur de nos deux échappés.
Égarés, ne sachant pour quelle route opter…
Au loin, des enfants, à grands rires, s’écharpaient ;
Le plus doux y alla pour se faire adopter.

Puis, le dernier qui continuait à errer
S’arrêta. Il a regardé de tous côtés.
Se voyant esseulé, il se mit à pleurer,
Réclamant d’être vers son bercail piloté…

Pour les bêtes et leurs bergers
L’enclos n’est bien que ménagé,
La liberté que partagée ;
C’est là morale fort âgée…

 

© Christian Satgé – juin 2011

Nombre de Vues:

20 vues
Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

S'abonner
Me notifier pour :
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires