Avec le temps… Disait Léo,
On vieillit, on blanchit, on dépérit frérot,
Frérot dis-moi que je suis encore moi : un mec comme ça !
Je ne marche plus sur les mains, comme un jeunot,
Mais je boxe encore, j’en cogne encore des minots,
Fouettés, directs, dans la gueule des timides jouvenceaux,
Je rigole pas ; le vieux, il assure, à l’usure,
Et des plongeons de pics, à pic dans la mer du nord breton,
J’en fais encore des marées, à poil, mains nues, sous les rochers,
Je ne suis pas encore de marbre, blanc, mais pas ridicule,
Encore du bon à vivre, entretenir, huiler la machine,
Le corps répond encore pourvu qu’on s’échine,
La bave aux lèvres, la sueur aux yeux, je tempête,
Et comme Rahan, dans ma forêt je crie mon cri de bête,
Elle est là, fatiguée mais pas bête, à l’économie elle s’entête,
Et oui bon gros, ventre mou, canapé usé, j’y suis pas,
Je vole en lumineuses escapades bordéliques dans des pays que je me cogne,
Les abîmes, les pics enneigés, les gouffres salés je les visite en surhomme,
Et l’amour, je ne vous dis pas, plusieurs fois, autant que je veux,
Et toutes elles me disent : il assure le vieux,
Le vieux, … j’en suis là ; un clochard en vadrouille vers les étoiles,
Un corps bientôt céleste mêlé aux atomes sidérés de l’univers,
Un souvenir métaphysique dans la tête des mômes au calvaire,
Adieu, mais avant, j’en boufferai de la vie, à pleines dents,
Ils vendront mon canapé comme neuf, jamais servi,
Ils vendront ma peau tatouée “je t’aime”, jamais servie,
Ils bruleront, dans un dernier bucher, mon corps décharné,
Et les cendres éparpillées aux vents du père Trébeurden.
©Stéphane