Homme et Nature
Les blessures du temps fracturent les enfants
La beauté du matin emportée dans l’Histoire
Se cache dans les plis et ne se laisse voir
Le regret des hiers parle tout en frappant
Dans le sud rieur, les cigales chanteuses
En griottes sifflantes soufflent quelques notes
Voyant passer les hommes et une triste flotte
Le soleil tape fort les traite de voleuses
D’un côté la folie des peuples fracassés
Du couteau au canon, les armes parlent trop
Au milieu des diamants essayent les allures
D’un autre la nature, les siffleurs désarmés
De fourmis en cheval qui vont au petit trot
Dans les vertes forêts, où tout pousse au futur
Verdure
Il y a dans la verdure, des mystères affolants
Des agiles insectes, aux paroles glissées
Dans le creux d’une oreille, complaisante l’excès
Où les grillons stridulent, tous leurs éternels chants
Dans l’euphorie en herbe, un trou profond sans fond
Même les mots s’y perdent, dans le chemin pentu
La forme symétrique, où le bord est fendu
En rien il ne ressemble, à un tout petit rond
L’animal rampant dans le feuillage vert
Cherche à passer la nuit dans un repos tranquille
Il a le sang plus chaud que sa physionomie
Traverse une pensée, il faut l’esprit pervers
Pour y voir un Don Juan, ce grand chasseur de filles
Il vient là simplement, ce n’est qu’un grand ami
Paroles
Paroles libérées qui résonnent aux oreilles
Derrière chaque mot s’ouvre un monde nouveau
Et dans les doubles sens jaillis des caniveaux
La lune reflétée à nulle autre pareille
Les paroles sont libres, si on sait écouter
Les voix qui nous racontent, le sang des autres mondes
Il n’y a rien de pire, que le silence immonde
Portons haut les flambeaux jusqu’à la Voie lactée
Je raconte ceux-là qui n’ont droit à la langue
Tu verras naître un jour sans le moindre drapeau
Elle est le portrait même, de notre liberté
Nous irons au-delà des frontières en gangues
Vous serez libérés de porter le chapeau
Ils danseront en rond la voix de vérité
Les bambins
Quand les enfants babillent, disent les premiers mots
Les mamans et papas s’étonnent dans la joie
Les yeux écarquillés ne connaissent les lois
Et dans leur insouciance, mangent les petits pots
Ils trottinent escaladent, ils explorent leur monde
En éponges, ils absorbent, les mots et les paroles
À quatre pattes ils vont, sur deux pieds caracolent
Et sur le moindre objet, les mains tendues ils fondent
Et dans la bouche ils mettent, tout ce qui peut traîner
Cachons les bibelots trop faciles aux bambins
il faut choisir ses guerres, le repli stratégique
Mes chats sont ces bébés, aux pattes bien armées
Ces petites bestioles, sont de malins félins
Avec eux, pas d’espoir, oublions le tragique
Le poème
Le poème est un mot oiseau
Il fait des nœuds de longues plumes
Et de son bec dans l’air il hume
Car jamais coiffé au poteau
Le poème est un mot coquin
Parfois il raconte des fables
Surtout ne le crois pas aimable
Et avec toi il est vilain
Le poème est un mot de trop
Il est peut-être malhabile
Il ne veut pas que tu le chopes
Le poème est un mot de mots
Avec lui ne fais pas de bile
Car pour toujours il est au top
Je suis
Mon cœur m’a dit d’un battement
Quel est ton nom ? Celui du vent ?
Non, de la terre je suis sorti
Et sans fin la mer m’a poli
Mes reins m’ont dit d’un seul élan
Quelle est ta vie ? Celle du temps ?
Non, je suis l’angle de l’espace
Et de amants suis le rapace
Quelle est ta couleur ? Est-ce bleu ?
Non, je suis rouge de tant de sang
Qui s’écoule dans mes artères
Quel est ton futur ? C’est le feu ?
Non, je suis l’eau pour les chalands
Qui portent les espoirs amers
La famille
Au cou une pierre sérieuse
Un bijou de beauté précieuse
Un vermillon de vie heureuse
La femme chante une berceuse
Au pied une fine godasse
Une casquette de bidasse
Quelques effluves de vinasse
L’homme est habillé pour la chasse
La petite a de longues tresses
Elle est bien prête pour la messe
Déjà en retard on la presse
Le petit a son grand cartable
Il a un charme véritable
Toute la famille joue la fable
Les amis
Tant de temps entre amis, les précieux sans pareil
Dans les champs ou les villes, nous partons en balade
Coup de gueule et de cœur, notre esprit en éveil
Alors des gens heureux nous chantons la ballade
L’un nous parle d’ailleurs quand un autre est taiseux
Une bande affolante, ou des rameaux solaires
Et de toutes les formes ne sait qui dit mieux
C’était eux c’était moi comme dans une volière
En quelques coups de vins et aussi coups de gueule
On scelle les instants comme de grands enfants
Ensemble on a pleuré mais surtout beaucoup rit
Et sans filtre ils ont droit, ils me disent ce qu’ils veulent
Viennent les souvenirs, viennent les soirs d’antan
De tout ce qu’on partage, les moments de nos vies
L’amie de cœur
Tu es l’amie de cœur je te ferai mon miel
Un espace c’est ouvert dans le champ des possibles
Juste dans un regard je vois dans l’invisible
Tu es l’amie des peines, je te ferai mon ciel
Et même dans l’absence, je te sens près de moi
La compagne du temps traverse les printemps
Je t’ai ouvert ma vie tu l’accueilles en chantant
Tu connais mes faiblesses, tu connais mes émois
Je te dis les écueils et les jours du perdant
Je t’envoie des messages, avec de petits cœurs
Je n’attends que le baume, qui calme les blessures
Tu me dis la fêlure, qui a bâti l’enfant
Tu m’envoies quelques rires, et aussi quelques pleurs
Tu n’attends qu’un bon mot au-delà des armures
L’homme et l’arbre
Si un lendemain pour la terre
Qui dans nos choix serait possible
Il ne reste plus de fusibles
Même si nos cœurs sont de pierre
Il faut toujours crier au loup
Quand les forêts partent en flammes
Mais avons-nous assez de larmes ?
Dans les yeux secs des pauvres fous
L’arbre nous crie de l’oublier
Quand la fournaise le consume
Et la fleur en perd ses pétales
L’éclot n’a rien de familier
Aux visages pleins de posthume
Car la rupture est trop fatale
L’ami perdu
Oh mon ami je t’ai blessé
Ce n’était pas mon intention
Bien sûr je connais la tension
Bien sûr je sais le temps passé
Oh mon ami je te regrette
Toujours tu jongles à l’impossible
Bien sûr je vois l’amour possible
Bien sûr je sens l’oubli des quêtes
Vois ma tristesse dans la moitié
Vas-tu rester dans une brume ?
Je veux y mettre de l’espoir
Vois les forces de l’amitié
Vas-tu rayer d’un trait de plume ?
Car bien sûr c’est à toi de voir
La lettre promise
Ce matin j’ai un air blizzard
Comme un coup de vent en dedans
Dans le moindre interstice je sens
Des courants d’air bien trop bizarres
Et si une lettre est promise
C’est sûr, je ne la lirai pas
Même si j’ai fait un faux pas
J’accepte de perdre la mise
Non, je ne veux pas me rogner
Je suis et reste qui je suis
Je préfère mon être à l’avoir
Contre un mur, je me suis cogné
Le passé est tombé dans un puits
Et plombe un voile sur la mémoire
En dolorisme
S’il est perdu en dolorisme
Alors que puis-je faire pour lui ?
La perte de dialogue m’ennuie
Je crois que c’est un fatalisme
Car quand le dialogue est perdu
Je ne sais quoi faire des morceaux
Je ne veux pas de ces mots faux
Ce n’est que l’amitié pendue
Quand un plus un ne font plus deux
Quand les sourires sont de façade
Et quand le jeu ignore le je
Il n’y aurait que des mots creux
Il n’y aurait que des mots fades
Il n’y aurait que le mot cage
En douleur
L’homme perdu dans sa douleur
N’a plus d’oreille à la raison
Et il divague en oraison
Du monde entier il est le cœur
Il ne connait que l’absolue
De son malheur dans tous les centres
Souvent trop de pleurs dans le ventre
Dans les courbettes il s’est complu
Je ne jetterai pas la pierre
Ni à l’ami ni aux apôtres
Un jour peut-être il ira mieux
Quand il n’attend que des prières
Mais l’homme à terre n’entend les autres
Dans sa douleur ouvrir les yeux
En grand
C’est dans une vie de plain-pied
Dans un horizon impossible
Là où passe le temps fissible
Il nous faut sortir du bourbier
La vie en grand, la vie toujours
Où se vautrer comme dans la soie
Où l’ombre ne fait pas la loi
Même si toujours n’est pas amour
C’est dans un battement de cils
Du cœur, renaît le battement
Qui lâchera tout à revoir
Même si demain, nous les fossiles
En avançant plus lentement
Encore, encore revient l’espoir
Bach
A-t-il une âme, celui qui ne connaît pas Bach ?
Des contrepoints subtils, surgit des airs ailés
Et il faut être un ours pour n’y voir que figé
Quand la musique danse, et nous donne des claques
Le cantor de Leipzig nous envoie dans l’azur
Des cantates aux sonates, concertos Brandebourgeois
Et variations Goldberg, le maître met en joie
D’hier et d’aujourd’hui, il est aussi futur
Que je plains l’ignorant qui ne sait le sublime
Malgré tous les discours, il a un trou en lui
Alors juste un conseil de venir y gouter
Les belles constructions nous jettent dans l’abîme
Comme un ciel étoilé qui en plein jour nous suit
Il inventait les notes, à nous de l’écouter
Ici et maintenant
S’il y avait un maintenant
En vivant dans l’instant infime
Nous resterions dans un intime
Nous irions alors lentement
S’il y avait aussi ici
En vivant dans un bel espace
Nous ne serions plus des rapaces
Mais jamais rien de rétréci
Si le passé est un terreau
Comme escargot en sa maison
De trop d’espoirs nous sommes ivres
Si le futur comme un fourreau
Alors gardons notre raison
Ici et maintenant à vivre
Page blanche
Sur une feuille blanche, la promesse rêvée
Et même l’impossible, peut devenir possible
Et la main qui attend pour atteindre sa cible
Avec un stylo plume, à la pointe trempée
Souvent le premier mot et la première phrase
Se cachent dans l’esprit dans l’étrange neurone
Jusqu’à la délivrance, la fulgurance tonne
Et les lettres se forment, cela sans périphrase
À la fin de la page, d’un jet ou raturée
Là l’auteur doit choisir, poubelle ou bien bannière
Et avant le mot fin, toujours le corps à corps
Page à page le roman, pyramide montée
La construction fragile, peut tomber dans l’ornière
Cent fois sur le métier recommencer encore
Et si
Et si un oiseau élancé
Et si un printemps enfantin
Et si un surprenant pantin
Et si un volcan balancé
Alors dans un battement d’aile
Alors des chants lents dans les vents
Alors dans la fin des relents
Alors des braises sur la margelle
Et si l’enfant est écouté
Et si la parole visible
Et si tu oublies les croyants
Alors un adulte éveillé
Alors une vérité dicible
Alors tu seras le gagnant
Quand je serai grand
Quand je serai grand
Et que j’aurai compris la vie
Les langues seront connues
Au-delà du possible
Quand je serai vent
Et que les choses sans prix
Ne seront des convenues
Le fracas des visibles
Quand je serai chant
Les voyelles sonores
Et les consonnes sonnantes
Un homme aux vieilles dents
Incapable dans son corps
Enfin trouvées les consolantes
Dans bien longtemps
Dans bien longtemps, un ciel plus bleu
Portera des langueurs étales
Et sur ton visage moins pale
Dans bien longtemps, un ciel heureux
De couche en couche dans bien longtemps
Pousse la branche sur le tronc
Elle s’élèv’ comme un faucon
Vive la vie dans bien longtemps
Pourtant longtemps est aujourd’hui
Dans un soleil émerveillé
Naviguant par monts et par vaux
Et toujours longtemps sort du puits
Où il était comme enfermé
Dans bien longtemps l’homme nouveau
L’instant
Dans un instant un temps volé
Une parenthèse ouverte au vent
Où les crapauds sont innocents
Des ouvertures bariolées
Dans l’univers aux trous de verre
Passant de fragment en fragment
Les vers en mesure du chant
Pour un voyageur solitaire
Le tic-tac est toujours affable
Pour le présent souvent sans âge
Quand les couleurs sont pardonnées
Dans le ronron comme une fable
Le passant retourne les pages
Dans un instant un temps donné
Le calendrier
Dans le petit jour de janvier
Promesse glacée, février
Pour mars le guerrier du printemps
Continue en avril, perlant
Et puis viennent les ponts de mai
Quand au mois de juin nait l’été
Alors juillet dans le soleil
Et en août les orages veillent
Toujours les rentrées de septembre
En octobre déjà l’automne
Dans l’heure d’hiver qui nous endort
Les douches glacées de novembre
Fin décembre les cadeaux sonnent
Et la roue tourne et tourne encore
La lune
Dans le premier quartier
De la lune je suis plongé
Le ciel de brume, la lune blanche
Le ciel clair, la lune franche
Dans une lune montante
Elle gravit la douce pente
Jusqu’à la forme ronde
Là où les poules pondent
Doucement on passe au d
Comme barre descendante
Le jeu d’enfants surpris
Elle disparaît même en été
Et la nuit noire n’est pas violente
Pour repartir à l’infini
Si j’étais
Si j’étais l’eau mais pas limpide
Un peu trouble mais pas boueuse
J’essaierais une vie heureuse
Dans les détails même insipides
Si j’étais feu mais pas l’enfer
Jaune bleu et rouge tout ensemble
Je cuirais le pain qui ne flambe
Dans la fournaise tordrais le fer
Si j’étais l’air mais pas les anges
Dans quelques vents du nord au sud
J’irais dans les cheveux des dames
Si j’étais terre mais pas étrange
En soulevant les jupes prudes
Je porterais vos pieds sans drames
Cosmogonie
À l’origine était un point
Un point de tout dans rien
Rien est devenu tout
Tout confus d’exister
Puis vient le rayon
Rayonnant dans un grand vide
Vide de sens, même en tous sens
Sans logique un univers
Alors quelques secrets
Secrets de la recette
Cette galaxie s’est enroulée
Enfin dans un des bras
Bras de l’ellipse d’étoiles
L’étoile est le soleil
Je dis
Je dis ici en quelques mots
Je dis de la vie à la mort
Je dis la vérité des torts
Je dis la douleur de nos maux
Je crie la liberté pour tous
Je crie le tableau embelli
Je crie les visages vieillis
Je crie la maladie qui tousse
Je lis les livres impaisibles
Je lis de la prose et du vent
Je lis les paroles vendues
Je prie des forces trop visibles
Je prie dans les secrets latents
Je prie l’humanité perdue
Entre jour et nuit
C’est entre jour et nuit qu’un regard s’est glissé
De la nuit le frimas pèse sur les paupières
Du jour restent les rêves, qui coulent en rivières
Et dans cet entre-deux, une voix policée
C’est entre nuit et jour qu’un bâillement surgit
Du jour il va rester les efforts répétés
De la nuit la promesse, des chats à câliner
Et dans cet intervalle, une voie qui rugit
Est-ce jour ou bien nuit ? Les aiguilles sont en panne
Du matin ou du soir ? Les yeux brillent ensemble
Aujourd’hui ou demain ? C’est la route qui crée
C’est le jour et la nuit, brouillés dans les arcanes
Ballotant dans la paume, les deux mains qui s’assemblent
Pour prier les icônes, même les moins sacrées
La maison
Parmi toutes, cette maison
Elle n’est ni laide ni belle
Dans un petit jardin modèle
Alors la mémoire en foison
Sur le sol elle forme un L
En son cœur, trois petites chambres
Où aucune ligne ne cambre
Dans le salon le temps se perle
Dans cette petite campagne
Fin de l’enfance et début d’homme
Il commençait beaucoup de doutes
On y but aussi du champagne
Dans ce pays de cidre et pommes
Et mon vélo volait les routes
L’arbre
Au pied de l’arbre tombe un fruit
Il a mille ans il vient de naître
En lui la graine, un nouvel être
Va dans nos heures, hors de tout bruit
L’arbre a tenu, hommes passés
Hommes pressés et disparus
Les branches poussent et sont tenues
Par un tronc fort parfois cassé
L’arbre a tout vu de nos faiblesses
Coups de couteau avec des cœurs
Qu’il soit grand chêne ou peuplier
De la forêt c’est la richesse
Et à son pied un banc de fleurs
Qui sait demain sera papier
La douleur
La tristesse est facile, quand on est en douleur
Les valeurs envolées ne font plus références
Quand on perd à moitié, on ne voit plus les chances
Qu’offrent d’autres possibles, les nouvelles valeurs
Les malheurs de la vie restent à tous cruels
Si l’on garde les flèches, là dans nos cœurs trop tendres
Toujours le sang séché ne fera que des cendres
Le vent emportera vers de nouveaux rituels
Avec des yeux ouverts, sans couleurs mortifères
Alors vient l’horizon dissipant les nuages
Certains y verront même, apparaître des dieux
Les amis seront là comme de simples frères
Avec eux s’écriront encore de belles pages
Non ce n’est pas la paix mais je n’ai rien de mieux
Les silences volés
Les silences volés nous portent des messages
Dans leurs soupirs un temps, un petit rien commence
Ils ont aussi le timbre, des rires de l’enfance
Parfois au front ils laissent, le début d’un outrage
Les silences voilés nous comptent des histoires
Même au travers des masques, les vagues sont perçues
Le flou nous dit des choses, où le calme est perclus
Dans des peurs enfantines, qui font rire en miroir
Il est des temps pour tout et d’abord pour se taire
La parole est d’argent mais pas dans les abus
Les mots donnés perdus sous les pieds sont foulés
Certains voudront courir, après des reliquaires
Si le silence est d’or, alors la paix afflue
Nos paroles gardées qui pourra les voler ?
Mots bavards
Dans le creux de nos mots, des mondes se dévoilent
Comme fleurs de bouquets, ils portent les couleurs
Des pensées ciselées et bien de quelques pleurs
Chacun est une touche, pour recouvrir la toile
Les mots sur le papier sont un à un choisis
Les mots dans les paroles, volent et caracolent
Certains nous vont au mille, d’autres nous rendent folles
Et nous laissent pantois, et nous laissent saisis
Les mots sont trop parlants au-delà des pensées
Quand ils en disent trop ils sont comme des flèches
Et reviennent en écho, en face du bavard
Les mots écrits sont marbres, qu’on ne peut retirer
C’est parfois en silence, qu’on découvre la brèche
Si le monde est né verbe, les hommes n’en sont avares
Et passe le passé
Les échos du passé sillonnent les lointains
Dans les rivages d’antan, méandres en neurones
Forment des aquarelles, une drôle de faune
Voguant en liberté ou cachée dans les coins
Un sillon dans la cire, traçant nos vérités
La mémoire d’hier est la carte du tendre
Bâtie en pyramide, qui gèle à pierre fendre
Dessine les contours de nos fraternités
Tant de vestes tournées, qui tournent en girouette
La pensée se construit sur des châteaux de sable
Et le faux est chaussé et le vrai est faussé
C’est dans le temps présent, l’ultime pirouette
Car dès demain ce jour sera une autre fable
De seconde en seconde, le présent est passé
Les cicatrices
Dans chaque cicatrice, une histoire gravée
Des vagues, des marées sont comme des vibrisses
Sur notre peau vrillée où les mémoires glissent
Pour revenir au temps des souvenirs gavés
Les balafres profondes sont rappels des combats
Des géants abattus lors de duels singuliers
Mais aussi les romances, en traces de colliers
Les marques de l’amour nous laissent quelques croix
Dans nos stigmates en chair, des histoires sacrées
Racontent les croyances, de nos brûlures en cœur
Qui sont aussi des leurres, repassés au lavis
Dans les blessures des vents, des histoires envolées
Nous parlent des silences, engendrés par la peur
Sur nos peaux le roman de toutes nos envies
Les rêves
Sur le chemin des rêves, la gorgone veillait
Pour ce trésor enfoui dans le creux de la chair
Où entrent les câlins donnés aux êtres chers
Noir et blanc ou couleurs, les images frayaient
C’est au petit matin que naissent les images
Dans les nuits agitées par le chaud et le froid
Et les yeux ensablés nous ne marchons pas droit
Au pays de Morphée apparaît le mirage
Et d’un réveil à l’autre, arrive le matin
Qui vient toujours trop tôt, même les draps froissés
Peut-être quelques chats pour baisser la tension
C’est le moment aussi où viennent les chagrins
D’un peu de temps perdu à chasser le passé
Qui est le cauchemar des fragments en fission
L’homme puzzle
Il est un homm’ puzzle, qui construit des histoires
Avec quelques baguettes, il montre le chemin
Écrit en lettres d’or sur sa peau de vaurien
Et loin des projecteurs, et loin des tristes gloires
Il est un homm’ lézard, caché dessous les pierres
Sa peau est une armure, protégeant des grands vents
De cuir et de métal, elle joue les paravents
Elle est étanche aux vœux et à tout prière
Il est un homm’ crapaud, séché au fond des trous
Glissant loin des regards des passants effrénés
Il protège le cœur de ce tout petit diable
Il est un homm’ sensible, naviguant chez les fous
Son derme est intérieur de sa vie aliénée
Le puzzle constitué de pièces désirables
Les abysses
Dans l’ombre des abysses, où nul ne peut voguer
En un pas seulement, on franchit la barrière
Et on verra alors, sans retour en arrière
Petits pas de côté et le corps est tangué
Il y a des limites, qui sont comme du feu
Si juste embrouillé noir, dans un instant fugace
Au-delà le désert où règnent les rapaces
Le voyage est gratuit même à ces gens de peu
Dans un compte à rebours, une minute en moins
Qui met fin au discours et à ces vains débats
Il n’y a que la peur dans le fond qui soit crainte
Et avant de sombrer dans un pays lointain
Faire le dernier pas et le dernier combat
Dans l’ultime vertige, qui a un goût d’absinthe
Consommateur
Piégé dans la consommation
Le petit homme est solitaire
Il assouvit toute passion
Et tous les soirs va prendre un verre
De soldes en soldes il est gagnant
À la lot’rie de ses envies
Dans les corners en se cognant
C’est à crédit qu’il est ravi
Dernier smartphone dans chaque poche
Amis virtuels dans les réseaux
La vie glaciale dans les poncifs
Et sur les sites de proche en proche
La carte bleue fond dans ces eaux
Le consommateur compulsif
Crépuscule
La danse d’ombres au crépuscule
Autour du grand feu des nuitées
Où le soleil à peine couché
Laisse des lumières funambules
C’est dans un ciel de rouge et d’or
Que les lutins sont réveillés
Avec les elfes ils vont veiller
Jusqu’au matin au son du cor
Ils sont heureux, ces êtres simples
Ils tournent et tournent, la danse folle
Qui les nourrit de tous ses fruits
Et pas besoin d’être à l’Olympe
Pour voir grandir les auréoles
Qui disparaissent dans la nuit
Pleine lune
Sous la lune les vents se taisent
Si elle est blanche, eux les témoins
De cet instant qui ne dit rien
Quand l’astre brille, que l’on se taise
Lorsqu’elle est pleine, la nuit étrange
Nous fait rêver dans la nuit claire
À des futurs où sont des chairs
Qui au réveil, tremblent et dérangent
Parfois le jour elle s’attarde
Souvent la belle est dans le flou
C’est un présage à nos espoirs
Parfois la nuit c’est une barde
Qui nous berce de ses sons doux
Dans quelques jours elle sera noire
En fin
Au dernier jour de notre vie
Ne resteront que souvenirs
Passés au tamis des soupirs
Tournant le dos à nos envies
Si l’on est fou alors en joie
Chaque minute sera des heures
Et de côté laissons les pleurs
Car nous ne sommes plus la proie
Et ce bonheur de tic et tac
On oubliera d’être peureux
C’est avec soi le face à face
Non pas besoin d’avoir le trac
Car ce sera un feu heureux
Et aux vivants laissons la trace
Espoir
Et si la fin n’est pas la fin
Il restera dans les mémoires
Le beau visage du nectar
De ces cahiers quelques refrains
Nous ne sommes que dans les autres
La petite fleur qui rira
Même au-delà du grand frimas
Nos souvenirs seront les vôtres
Si vous croyez alors chantez
Et dans vos voix un ton riant
Dans vos prières comme un pouvoir
Et si en rien vous ne croyez
Construisez-nous un lit brillant
Pour y étendre les espoirs
Les bulles
Autour de quelques bulles, les larmes tournent aux rires
En coupe ou bien en flûte, des joies il est le miel
Sa robe d’or pétille, d’un feu qui monte au ciel
Pour nous pauvre mortel, c’est le bel élixir
Car depuis la naissance, et puis de fête en fête
Notre bon compagnon nous emmène au soleil
Et sans comparaison il n’en est de pareil
Il calme les passions, les ardeurs et tempêtes
Avec lui trop facile, de devenir affable
Car même les taiseux vont tourner aux bavards
Et vous en boirez tous, gens des villes et campagnes
Il y a des sujets qui tournent à la fable
Dans les crépitements, jamais il est avare
C’est le roi de nos tables, il s’appelle Champagne
Avant
Hier était bien mieux, la vie était plus belle
Là tout était possible, et le chemin facile
Les hommes étaient plus beaux et les femmes graciles
Aujourd’hui nous marchons au milieu des poubelles
Ce discours est aisé sur bon temps d’avant
Et les trépignements ne font pas vérité
Car quel dans le fond l’objet tant regretté ?
Des images sépia en simple paravent
On me parle au passé de gens imaginaires
De la douceur de vivre, et du vin qui ruisselle
Et tout ce qu’on a vu qu’on ne pourra revoir
Et l’on me dit aussi qu’aujourd’hui c’est l’enfer
Même les jeunes filles ne sont plus des pucelles
Moi je dis que demain est le nouvel espoir
La chambre
Dans cette chambre calme, aucun enfant ne dort
Un rayon de soleil éclaire les tableaux
Les toiles d’araignées sont passées au plumeau
Les parents ont tenté, mais ils sont restés forts
Dans cette chambre blanche, où passent des soupirs
Les lumières des anges, traversent la fenêtre
Au-dessus du berceau, il n’y a de peut-être
Il n’y a rien à faire, cela contient le pire
Dans le coffre à jouets, le vide c’est installé
Beaucoup d’eau a coulé sur les plaies des passions
Il faudra oublier les douleurs qui ferraillent
Il n’y a plus de larmes, dans la longue vallée
Et aujourd’hui commence, la nouvelle gestion
Maintenant un bureau pour le télétravail
Questions
Pourquoi faut-il toujours aimer ?
Où sont passés tous les chapeaux ?
Pourquoi faut-il tous ces drapeaux ?
Comment savoir la vérité ?
Quand verrons-nous les gens heureux ?
Où découvrir des eaux limpides ?
Pourquoi tant de mots insipides ?
Et pourquoi pas des matins bleus ?
Comment dire oui à quelques plis ?
Pourquoi en dieu le verbe avoir ?
Et nous faut-il tant de passions ?
Comment des êtres accomplis ?
Pourquoi peu d’hommes trop de pouvoirs ?
Et tant et tant d’autres questions
Merci pour ce recueil original.
A consommer à doses homéopathiques pour bien apprécier.
Bienvenue Jean-Luc et merci pour cette belle introduction poétique.
Nous avons hâte de découvrir vos autres textes.
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Bonne continuation et à bientôt.
Bien à vous,
Alain