XLV – Paulette dite Tata Popo : Un coeur, des sous et des soucis (cinquième partie)
Le jour de la retraite finit par sonner pour tata Popo comme pour tout le monde. Elle organisa pour l’occasion une fête digne d’un gala royal avec comme invité d’honneur Frédo la Frédouille, joueur d’orgue de barbarie et d’accordéon, mais aussi chanteur de chansons de la belle époque. Elle annonça quitter Antony pour aller couler du bon vieux temps en bord de mer en Vendée. Tonton Claude et elle firent transporter quelques meubles dans une maison en location à La Faute sur Mer, au coeur d’un immense jardin longeant la plage. Ils ne soupçonnaient pas que les mois froids étaient aussi des mois désertiques et ennuyeux, alors que les autres étaient ceux des visites continuelles des multiples amis de tata Popo venant de la France entière. La goutte d’eau qui fit déborder le vase de leur solitude hivernale fut la lecture de risques d’inondations causées par des vents de plus violents.
Ils ont déménagé pour louer une grande maison au centre-ville des Sables d’Olonne quelques jours avant que la tempête Xynthia n’emporte leur maison à la Faute sur Mer. Tonton Claude était gagnant au change car il pouvait partager ses journées entre ses cannes de pêches et ses cannes de billard français. Tata Popo elle recevait ses nombreux anciens et nouveaux amis de Vendée et d’ailleurs. A chaque fois que je suis passé la voir, sa tonnelle était déjà remplie d’autres invités en train de trinquer avec elle. Tonton Claude a toujours fumé Gitane sur Gitane, sans filtre, mais son médecin lui dit à ce moment là : «Claude, ta prochaine cigarette pourrait-être ta dernière car ton sang n’arrive qu’avec peine à ton coeur». Instantanément, il a donné ses
derniers paquets de Gitane faisant preuve d’une volonté qu’il ne se soupçonnait pas lui-même. Restait que tous ses repas se déclinaient entre cochonnailles, apéritifs et vins de Bourgogne. Ces habitudes ont fini par avoir raison des ses artères. Il dut-être opéré du coeur et décéda après plusieurs séjours en cardiologie. Tata Popo vivait au jour le jour et n’avait pas économisé en vue du financement des obsèques de son époux. Son garagiste, en honnête ami, lui racheta sa Smart une bouchée de pain car elle avait besoin d’urgence de la somme demandée par les pompes funèbres. Une fois la somme de la vente perçue, elle n’avait que de quoi financer une incinération. Elle se dit que mon oncle qui avait beaucoup d’humour devait lui donner son feu vert car sa vie le prédisposait à partir en fumée et il était favorable à ce mode de dispersion. On lui supprima quelques mois plus tard la pension de reversion à laquelle son statut de veuve lui donnait droit.
Elle dut déménager de cette grande maison à trois étages pour une autre beaucoup plus petite. Elle s’aperçut vite que sa nouvelle maison s’imbibait d’humidité par un mur mitoyen et elle dut rapidement en déménager car tous ses bien prenaient une odeur de moisi et le voisin ne répondait pas à ses courriers. Hélas, la maison suivante présenta le même problème à cause d’un voisin qui stockait de multiples liquides dans son garage durant ses mois d’absence. Elle dut dormir dans un coin de son séjour avant de trouver une nouvelle maison. De nombreux travaux de remise en état de sa maison restèrent à sa charge si bien qu’elle dut opter pour une maison encore plus petite et en dehors des Sables d’Olonne. Tata Popo s’était toujours juré de prendre des cours de piano une fois à la retraite. Seulement, pas de place pour un piano dans toutes petites maisons louées. Elle trouva via des « amis » celui qu’elle appelait « son petit pro de piano » en la personne de
Théo qui était accordéoniste et pianiste. Il venait de se marier avec une jeune romaine qui devint aussitôt, elle aussi, l’une de ses amies. Théo lui fit acheter un petit instrument électronique avec un clavier d’accordéon pour la main gauche et un clavier de piano pour la main droite. Tata Popo s’y escrimait plusieurs heures par jour, mais ses finances en bernes l’obligèrent bientôt à le revendre. Elle s’affaiblissait également et elle demanda à Théo s’il ne connaîtra pas une personne honnête pour l’aider dans ses tâches ménagère. Il lui proposa Rénata, qu’il lui présenta comme une très pieuse femme (tata Popo avait des angelots ailés dans toutes ses pièces). Renata se présenta à elle comme une fervente catholique arrivant de Pologne
ayant besoin de gagner sa vie pour nourrir ses enfants. Lors de mes visites, j’ai rencontré chez tata Popo des assistantes sociales lui proposant une aide à domicile diplômée avec participation financière des services sociaux et également la livraison de repas à domicile car depuis qu’elle payait Rénata, son compte était souvent à découvert. Tata Popo refusa à chaque fois qu’on la prive de sa pieuse petite Rénata. Je souhaitais rencontrer cette Rénata, mais à chaque fois que j’annonçais ma visite, celle-ci partait quelques minutes avant mon arrivée. Comme je m’inquiétais de sa situation financière, Tata Popo me répondait de me rassurer car elle versait tous les mois une bonne somme sur un contrat-obsèques afin que je n’aie rien à payer le jour de son grand départ. L’un de ces jours de visite après le départ de Rénata, je proposais à tata Popo d’aller lui faire ses courses. Celle-ci me répondit qu’elle aurait volontiers accepté, mais que c’était Rénata qui avait sur elle sa carte bleue. Lui demandant quelques explications, elle m’expliqua que cette dernière arrondissait parfois ainsi son salaire et achetait des cadeaux pour
ses enfants. Avant que je ne puisse rencontrer Renata, celle-ci appela les urgences et fit rentrer tata Popo aux urgences hospitalières en se présentant comme sa référente. Je n’ai jamais revu tata Popo vivante car elle nous a quitté le temps que je me rendre aux Sables d’Olonne. J’ai du affronter le lourd dossier de succession en contactant son notaire, sa banque et sa société de gestion d’obsèques. Au termes de plusieurs semaines d’échanges oraux et écrit, j’appris que Rénata possédait aussi tous les codes internet pour retirer de l’argent sur tous les comptes de tata Popo et qu’elle les avait tous vidés et même fait virer son son compte les milliers d’euros de son contrat-obsèques. Menant mon enquête j’appris que Renata faisait partie de l’association Contact où elle était enregistrée comme immigrée roumaine sans emploi dans l’incapacité de travailler et qu’elle touchait plusieurs allocations en conséquence. Renata se présenta enfin à moi chez tata Popo accompagnée de son mari pour me réclamer son dernier salaire. Elle me joua le grand jeu de la pauvre
femme pieuse et dévouée. Je lui ai montré l’état de la maison avec des couches remplies d’excréments dans toutes les pièces et un état général d’abandon. Elle faisait celle qui ne comprenait pas le Français alors qu’elle avait argumenté sans la moindre faute d’accord pour me réclamer son salaire. J’ai voulu porter plainte auprès du commissariat du quartier qui m’a répondu que seule ma tante était habilitée à le faire. J’avais, sur papier, tous les milliers d’euros passés des comptes de tata Popo à celui de Renata. Cela ne me valut que des moqueries au sujet de ma tante. Même accueil au niveau des impôts. Je dus payer son plan-obsèques qui comprenait un cercueil et une cérémonie d’incinération. Pour le reste, j’ai fait parvenir au Tribunal un acte de renonciation à la succession aux biens de ma tante. Toute sa vie tata Popo aura travaillé 7 jours par semaine toute sa vie pour vivre ses derniers mois dans la misère passant de mains d’escrocs à mains de scélérate.
Ici ne se termine pas l’histoire de tata Popo. Dans un prochain chapitre, je quitterai la désastreuse question des sous pour vous parler uniquement de ma tante de coté deula femme au grand coeur.
Je suis estomaquée devant le courage de Tata Popo dans l’adversité : toujours ce beau sourire enthousiaste et confiant envers les gens!