Mon menuisier – Antoine QUESSON

            Peut-être connaissez-vous mon menuisier Monsieur DUBOIS ? C’est un homme plein de charme qui adore son boulot. Quand je parle avec lui, il ne me coupe jamais la parole car il sait ce que c’est de s’taire. Il lui arrive de meubler les silences et il a la clé pour clore une conversation extrême, il utilise le pêne.

         Il se déplace souvent en Syrie, il y a ses racines, sa famille est de souche Syrienne. Dernièrement, de retour d’un voyage, il a eu la surprise de découvrir sur la vitrine de son voisin, Monsieur DELAMANCHE : « pas de porte à vendre », ce qui paraissait normal car il était ailleurs. Cet homme à la conversation décousue avait le bras long, il savait se défendre point par point. Il avait même déposé “plinthe au parquet” pour chèque en bois.

      Malgré qu’il n’ait pas les deux pieds dans le même sabot , Monsieur DUBOIS a des soucis. Pressé, il a fait rentrer six troncs mais, pas de quartier, il a eu des pépins et a manqué de jus. Ca été une tuile pour lui qui a dû payer l’ardoise. Il s ‘est trouvé alors bien saule avec toutes ces feuilles à compléter, lui, ce mâle honnête qui planche actuellement sur le sujet.

       Il a déjeuné avec son avocat verreux, de mèche avec le juge, il n’a pas réussi à percer leurs arguments. Je suis sciure, il devra payer la note, lui qui a pourtant le métier chevillé au corps. Il a bien cherché un vis de forme mais, pris en tenaille, il n’a pas pu sortir assez tôt de cet étau. Clou de la décision, il a été écroué. Avec une légère pointe d’humour, il est sorti de ses gongs, à la charnière de la crise de nerf.

      J’ai appris dernièrement qu’il vient de terminer entre deux planches. Monsieur DUBOIS fut, lui qui avait passé beaucoup de temps à Annecy. Ah ! vieille branche, je suis resté bien saule, pleureur… Malgré son diabète, la crémation lui a été acceptée. Je me suis donc promis de jeter ses cendres au Puy de Sancy…

©Fev18 Antoine Quesson