Les trois clochers (étapes 2 et 3) – Autobio Tome LVIII – Jean-Marie Audrain

LVIII – Les trois clochers (étapes 2 et 3)

L’année où j’étudiais à la Catho, 21 rue madame à Paris, je remarquai que de nombreux jeunes se retrouvaient au numéro 61 de cette belle rue. M’y rendant, je lus Communauté du chemin neuf, assemblée de prière le mardi soir à 20h30. Sans hésiter je m’y présentais le mardi suivant et j’y fus réellement accueilli en frère. Nous nous trouvions non pas dans une église mais dans une grande salle avec une estrade et une moquette au sol sur laquelle tout le monde se tenait assis et discutais en attendant le début de la prière. A l’arrivée de chacun, un carnet de chant était proposé, assorti d’un sourire de bienvenue. Aucune panoplie BCBG de rigueur, même si la majorité des présents arborait de belles tenues à la mode, mais il y avait aussi quelques tous venant au look pour le moins atypique.

Une différence notoire avec l’assemblée sélect de l’Emmanuel, la présence d’un prêtre qui annonça le début de la prière au micro. Il s’agissait du père Laurent Fabre, le fondateur de la communauté, partie de Lyon avant d’essaimer dans toute la France. On ressentait une grande liberté de parole pour chacune et pour chacun, sans que personne ne se force à faire semblant pour imiter son voisin. Le père Fabre lançait des chants de sa composition ou de celle des jeunes de sa communauté, de courtes phrases méditées en boucle sur le modèle des chants de Taizé.

Une autre nouveauté était l’ouverture œcuménique. On louait Dieu devant des icônes et on le louait entourés de frères et sœurs non catholiques, souvent de protestants dont la communauté partageait bon nombre de chants. A l’issue de la soirée de louange, d’adoration et d’exhortation, nous étions invités à nous retrouver à l’étage pour un temps de méditation partagée dans des chambres que l’Emmanuel appelait des maisonnées, à savoir des lieux habités par 3 ou 4 étudiants de la communauté. Nous n’étions qu’entre garçons et l’ambiance très fraternelle donnait envie de rester fidèle à cette assemblée. Seul bémol : toute initiative restait sous la tutelle du père Fabre et 95% des présents affichaient leur appartenance à la classe aisée.

Un surveillant libanais de St Michel de Picpus avait suivi le même itinéraire que moi, d’assemblée en assemblée, et vint me trouver entre le lycée et la bouche de métro pour me dire avoir découvert une communauté catholique du renouveau charismatique qui était réellement à l’image de la population parisienne. Il m’en donna le nom et l’adresse : communauté Magnificat, face à la sortie latérale de l’Eglise saint Vincent de Paul dans le 10e arrondissement.

A peine arrivé, guitare à la main, le père Roger Devocelle me pris dans ses bras. Il était le berger de cette communauté et avait demandé à son assemblée de prier pour que le Seigneur lui envoie un guitariste.

Il y avait un air de cour des miracles dans cette petite salle paroissiale : des gens de toutes les origines, de toutes les conditions sociales et de santé.  Magnificat, comme on disait, était jumelé avec La Croisade des aveugles et nous nous retrouvions entourés de chiens et de cannes blanches. Il y avait déjà une guitariste, une polonaise nomme Elzbieta, c’est-à-dire Elisabeth, prénom signifiant Maison de Dieu. Mon regard fut immédiatement attiré par les yeux de Roger. Un homme âgé, largement dégarni, mais qui possédait des yeux d’enfant. Il avait été guéri miraculeusement de sa cécité lors d’un pèlerinage à Ars organisé par les communautés du Lion de Juda et de l’Agneau immolé, conjointement avec la Communauté du chemin neuf et celle du Pain de Vie.

Le père Devocelle était, principalement, aumônier des hôpitaux de Paris où il organisait des chapelets, des messes, des temps d’adoration et des assemblées de louange. Il était accompagné ici et là par des membres de Magnificat. Personnellement, j’animais à la guitare la prière du mercredi après-midi à l’hôpital Necker-enfants-malade et le samedi à l’hôpital Broca où nous allions chercher dans leur chambre une cinquantaine de personnes âgées qui ne recevait point d’autre visites que la nôtre.

Pour Nöel et Pâques, nous rejoignions un grand chapiteau des Restaurants du cœur où nos voix et nos instruments se mêlaient à ceux d’autres musiciens. La multiplicité des origines et des apparences faisait oublier toute différence et l’ambiance était à la fois fraternelle et festive.

Nous nous retrouvions souvent chez le père Devocelle soit pour entendre son enseignement par petits groupes de 5 ou 6, soit à titre de maître ou conseiller spirituel, voire de confesseur.

Ce père avait l’humilité de Jésus, sa gentillesse, mais aussi sa fermeté pour guider nos pas. Comme le curé d’ars, il écoutait, conseillait et confessait jour et nuit, en présentiel comme au téléphone. Il n’en dormait que 4 heures par nuit ; Il mangeait bio et n’avait que la peau et les os, mais son rayonnement venait de son tréfonds. L’église du Marais, saint Paul-Saint Louis,  où il célébra son jubilé de cinquantenaire sacerdotale se trouva pleine à craquer. Sans parler de ND de Paris où fut célébré son jubilé de 60 ans de sacerdoce.

Avec grande tristesse j’ai appris son décès en  2015.

Il a failli faire un beau centenaire !

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Jean-Marie Audrain

Jean-Marie Audrain (509)

Né d'un père photographe et musicien et d'une mère poètesse, Jean-Marie Audrain s'est mis à écrire des poèmes et des chansons dès qu'il sut aligner 3 mots sur un buvard puis trois accords sur un instrument (piano ou guitare). À 8 ans, il rentre au Conservatoire pour étoffer sa formation musicale.
Après un bac littéraire, Jean-Marie suit un double cursus de musicologie et de philosophie à la Sorbonne.
Il se met à écrire, dès cette époque, des textes qui lui valurent la réputation d’un homme doublement spirituel passant allègrement d’un genre humoristique à un genre mystique. D’ailleurs, il reçut de la SPAF (Société des Poètes et Artistes de France) un grand diplôme d’honneur en ces deux catégories.
Dans ses sources d’inspiration, on pourrait citer La Fontaine, Brassens et Devos.
Lors de la naissance du net, il se prit à aimer relever les défis avec le site Fulgures : il s’agissait de créer et publier au quotidien un texte sur un thème imposé, extrêmement limité en nombre de caractères. Par la suite il participa à quelques concours, souvent internationaux, et fut élu Grand Auteur par les plumes du site WorldWordWoo ! .
Il aime également tous les partenariats, composant des musiques sur des textes d’amis ou des paroles sur des musiques orphelines. Ses œuvres se déclinent sur une douzaine de blogs répartis par thème : poésie, philosophie, humour, spiritualité…sans oublier les Ebulitions de Jeanmarime (son nom de plume). Un autre pseudo donna le nom à son blog de poésies illustrées : http://jm-petit-prince.over-blog.com/
Pendant longtemps il a refusé de graver des CD et d’imprimer ses œuvres sur papier, étant un adepte du principe d’impermanence et méfiant envers tout ce qui est commercial.
Si vous ne retenez qu’une chose de lui, c’est que c’est une âme partageuse et disponible.

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