Les deux pélicans – Christian Satgé

Petite fable affable d’après Les deux Persans de J.B. Claris de Florian (Fables, II, 18)

Il n’est las plus mauvaise compagnie
Qu’un pélican, tant l’oiseau envahit
Votre vie pour y vider ses querelles
Et, pis, son sac de mère maquerelle.
Alors imaginez deux de ces coureurs
D’océans orangés de bec et pattes :
Cela ne peut produire que quelque horreur
À qui veut la tranquillité non la hâte.

Donc deux pélicans, le goitre pendant,
Se disputaient à en perdre les dents
Sur le Dieu qui devrait faire « Norme » :
Sans se désigner chacun, c’est énorme,
Se nomme comme le seul parangon ;
Les traits claquent, les insultes cloquettent
Comme en cour où oisons se font dragons.

Le premier cherchant auprès de l’autre
Qu’il juge, sans fard, fort mauvais apôtre
Plus, sur ma foi, un unanime avis
Propose alors, pour l’honorer sa vie
Durant, de tourner son oeil vers cet astre
Du jour qui est, sûr, le seul vrai dieu.
Un mois plus tard, arrive le désastre :
Aveugle, il se noie en quelque lieu.

Le second, crédule à toute chimère
Reniant, pour ce, s’il faut père et mère,
Ignorant vivant aux dépens des sots,
Tire leçon du sort du bécasseau
Qui le contredisait et, sous la terre
S’enferma pour se protéger de Râ,
Divinité à craindre pour ses rais-serres
Autant qu’à vénérer sur l’agora.

Il en perdit la vue et, à la pêche
Ne pouvant aller, la vie. C’est rêche !
Il en va ainsi quand on n’a pas compris
Qu’en tout et pour tout, il est un bon prix :
Le meilleur des partis, comme nous disent
Isopets, est un juste milieu ;
Mais quand on est bêtise et balourdise
C’est le plus dur à trouver, Mon Dieu !

 

© Christian Satgé – juin 2020

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Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Invité
18 juin 2020 17 h 12 min

Toujours très drôle et plein de bon sens.

Brahim Boumedien
Membre
18 juin 2020 0 h 43 min

Merci, Christian, pour ce généreux partage, provenant d’un homme sage !
Cordialement.