Petite fable affable
Com’ dit Maître Renaud, On est tous en ce monde :
« Libres mais dans l’troupeau, égaux devant l’bourreau ! »
Cela, c’est pas nouveau, nous rend souvent immondes
Sauf quand on est un veau qui se tient à carreaux.
Le nôtre, hélas, paissait au pré cette bonne herbe
Qui fait gras à tout heur, et dodu et pattu.
Égoïste, il passait là des heures superbes…
Or il a pour valeurs, celles de la vertu :
Voyant non loin de lui, un bouc et une bique
Bien plus mal lotis, il les invite auprès
De lui. Voilà l’ennui : les bêtes, maléfiques,
Souillent, comme en sotie, et avant la vesprée,
Saccagent pâture et clôture, tout de même.
Le veau s’en veut. Nature est son âme et fort blême
Son beau mufle humide et coupable. Réparer
Le mal il ne peut, té. On met pas aux arrêts
Pour crime de droiture, où est donc son dilemme ?
C’est d’avoir condamné ses frères et ses sœurs
De lait, sans chicaner, au foin du fournisseur.
En été, coup du sort, brouter de l’herbe en botte !
Quand vient le chercher son maître le vacher,
Las, il le trouve mort : pour cette seule faute
Son bon cœur a lâché, triste d’avoir gâché
L’herbage de repas, hier, si bons, si tendres,…
Mais peut-on le haïr, ce veau si peu chafouin :
Le remords n’attend pas que l’on se fasse prendre,
Rien ne sert de faillir, il faut pâtir à point !
© Christian Satgé – juin 2016