Petite fable affable
Un mouflon, sauvage bélier
Abrupt de caractère comme montagne,
En trois mots, tout sauf moutonnier,
Avait laissé au loin sa natale Espagne
Pour courir nos hautes Pyrénées,
Rêvant de toucher le ciel de ses cornes.
Rien ici ne le réfrénait.
Oh, non ! Aucune limite ni nulle borne.
Il arriva en pays vautour
Là où se déplient et se déploient mille ailes,
Là où l’azur vous est à l’entour,
Là où le pic abrupt perce des nues irréelles.
Là où se déplient et se déploient mille ailes,
Là où l’azur vous est à l’entour,
Là où le pic abrupt perce des nues irréelles.
« Voilà donc un fieffé coquin,
Fit un des rapaces, que bientôt la rage
Rongera quand il saura, faquin,
Que sa quête est une impasse voire un outrage
À Mère Nature : on ne peut pas
Trouer les nuages quand sur la terre on marche.
C’est privilège d’oiseaux ; repas
Pour nous, vite tu seras, imprudent que l’Arche
Aurait, las, mieux fait d’oublier…
– Ma race est tenace, l’ami, on ne l’efface
Pas pour si peu. Retourne brandouiller
En ton aire : il se peut que, matin, tu me laces
Les chaussures, Minus, c’est qu’alors
Toi, tu m’arriveras, enfin, à la cheville !
– Tout ce qui ne va pas dessous l’or
De ton soleil qui, pour cette heure, si fort brille
N’est pas hélas l’œuvre d’autrui ! …
Je ne t’en veux ni ne t’envie, toison si fière,
Je te préviens seulement : fuis
Les quêtes impossibles, rêveries altières
Et songes creux qui minent l’esprit
Et tourmentent sans fin l’âme où mon bec, mes serres
Seront au festin de toi qui ris
De sages bons conseils dits d’une voix sincères… »
Mouflon redescendit pour grimper
La montagne d’à côté, apparemment plus haute,
Qui mettrait le ciel à portée.
Il glissa et mourut, faisant le délice d’hôtes
Hélas, moins bien intentionnés
Que le vautour, cet accommodant commodore,
Qui savait qu’entêtés bien nés
Ont des raisons, certes, mais la Raison ignorent…
© Christian Satgé – janvier 2020
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