https://www.youtube.com/watch?v=p2w8W_f06M4
Le repentir de Cartouche
Dieux ! Ce fou que je fus d’avoir cru en ces hommes
Sur la foi de ces feux de joie partageant l’or !
Triste fou que je fus ! Moi qui croquai la Pomme
Des voleurs, du moment qu’ils étaient de mon bord.
Qui put croire qu’au fond, du fond de leurs yeux louches,
Puisse naître jamais la flamme de l’honneur ?
Qui put croire un seul mot prononcé par leur bouche,
A moins de l’avoir su des couches du bonheur ?
Oui, je fus celui-là – le bien-nommé Cartouche –
Qu’on disait fin, rusé, sûr, et grand connaisseur
Des tirs et des parfums et des vins qui font mouche !
Dupé par ses espoirs et ses nuits de noceur…
Je fus bien celui-là du royaume de France
Qu’on fêtait sous le nom de Prince des voleurs,
Et qui leur pardonnait leurs sombres legs d’errance
Sans douter un instant de leur noble valeur.
Lui, qui rêvait d’un peuple affranchi de la crainte,
Juste et rétributeur, prêt à risquer son sang
Chaque fois que les fers où le tyran suinte
Dresseraient devant lui leurs barreaux indécents,
Qui souffrait avec ceux qu’avait tranchés le sabre,
Déchiqueté la balle ou l’âpre croc des chiens,
Et leur venait en aide, avec foi, sans palabre,
Avec la loyauté d’un homme envers les siens.
Eux que je protégeais, que j’appelais mes frères,
Et prenais sur mon cœur aux heures de la nuit
Où nous fêtions notre or au milieu des cratères,
Comme si du vrai ciel ils étaient le doux fruit.
Prêt à tout affronter au secours de leur vie,
J’avais tout partagé des heures où la mort
Dressait sa faux, là-haut, se pourléchant d’envie,
Et tentait chaque instant de ruiner notre effort.
Nous avions fédéré plusieurs milliers d’âmes,
Unies comme un seul homme autour de nos combats ;
Dans les yeux de beaucoup grandissait une flamme
Qui disait fièrement : « je ne suis plus d’en-bas ».
C’était hier seulement ; mais déjà nul visage
De ces fiers n’apparut au devant du gibet
Qu’on me fit un matin pour mon dernier voyage,
Ni à l’heure où fusa le premier quolibet.
Je pardonne aux derniers; ils étaient neufs encore ;
Mais je n’épargnerai les premiers compagnons.
Ils savaient que pour tous sous le supplice Maure
Je gardai le silence à l’endroit des Questions.
***
Retrouvez le poème en audio/vidéo en cliquant l’un des liens ci-dessous !
Passez un agréable moment.
https://www.youtube.com/watch?v=p2w8W_f06M4
Merci Frederic pour ce moment Alexandrin
J’ai apprécié
toutefois : il est dommage que rimes “singulier et pluriel” soient
(âmes/flamme, sang/indécents, hommes/pomme, louches/bouche …)
ce qui est contraire au code , à moins que tous le soient !
mais je le reconnais, ce n’est jamais aisé d’y parvenir !
Mais pour un Alexandrin, noblesse oblige, me semble-t-il !
Bravos
Oliver
Merci, Olivier, pour cet aimable commentaire !
Oui, normalement, les rimes s’accordent aussi en nombre ; mais ce n’est pas le seule entorse que je commets ici envers les règles classiques ; j’écorne un peu les règles de l’hémistiche, un peu celle du hiatus, aussi, notamment !
Ce que je ne fais plus aujourd’hui – mais que je faisais encore à l’époque, il y a trois-quatre ans aujourd’hui, où j’ai écrit ce poème, et tant d’autres à venir, qui d’ailleurs ont contribué à me “former” au fur et à mesure que je leur intégrais de plus en plus d’exigences métriques.