La truite et le saumon – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Puisque mes animaux ressemblent
Aux Hommes, qui va s’étonner
Si je fais discuter ensemble
Ceux qu’on voudrait bâillonnés ?
 
Un saumon et une truite,
En un vain débat brouillon,
Dissertaient, à gros bouillons,
Sur leurs talents, leurs mœurs et rites.
 
Ils s’examinaient, se jaugeaient,
Et donc se notaient, se jugeaient :
Pour elle, il est un sybarite,
À bien peser, soupeser ;
Lui, statue sans biaiser
Et l’estime sans nul mérite.
 

On en serait venu aux mains,
Le ton montant avec l’insulte,
Si nos deux bons jurisconsultes
En avaient eu car le carmin
Leur montait aux ouïes : débattre
Allait les mener à se battre !

Mais à s’ainsi considérer
Et pis, se déconsidérer,
Nul ne voit venir l’émérite
Pêcheur qui se fond au décor
Pour les mettre, d’un ver, d’accord. 

 

On ne cesse, faits, gestes, hardes,…
Dans un combat d’arrière-garde
De se mesurer, se comparer,… :
Poisson barré, poisson carré,
 Qui que l’on soit, quoi que l’on fasse
Dessous les eaux ou en surface,
On finit, pareils, amarrés
Sous une  mouche bigarrée
À l’hameçon de la Camarde,
À la Vie dernière écharde.
 
 
© Christian Satgé – Septembre 2014

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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Laurence de Koninck
Membre
17 novembre 2018 11 h 16 min

Qu’il est vain de se battre et de se comparer. L’issue sera de toute façon fatale. Votre fable bien construite une fois encore nous rappelle qu’ici bas, nous n’aurons jamais le dernier mot. Bonne pêche!

Invité
17 novembre 2018 9 h 39 min

Merci Christian, oui, nous finissons tous sous l’hameçon ou la faucille, et c’est juste pour une fois. Que vaut la vie, sinon une bataille , où une montée d’adrénaline, en ce jour 17 Novembre 2018, goujons, truites et saumons, nous sommes tous rassemblés dans la couleur jaune, contre le requin prédateur, en tout cas, c’est mon cas, et je vais affronter le froid pour être solidaire . Bon samedi Christian, la poésie est dans la rue.

Invité
16 novembre 2018 20 h 26 min

Je me disais surpris ne n’avoir rien lu aujourd’hui de mon ami Christian ! Mais bien sûr le voilà qui d’un vers et d’un autre nous fait mordre à son hameçon un tantinet belliqueux ! Quoi que la rixe ne fera pas grand tapage ! Comme chaque jour, merci, j’en ai presque frétillé de la nageoire caudale, mais les rhumatismes… !!!