…La Crémière Polissonne – Anne Cailloux

Dans ce coin perdu de la Corrèze, peu d’animation animait ce lieu-dit.

Le dernier en date était le vol d’un ex-voto dans l’église voisine.

Sur la place du village, un vieux chêne, faisait office de quartier général.

Les hommes caquetaient comme des poules depuis plusieurs heures, quand soudain le silence se fit.

Seul le souffle du vent et le bruit d’une chaîne de vélo se firent entendre.

Marie la crémière passait comme tous les jours à la même heure, rendez-vous immuable, qui embrasait fortement le village et surtout les hommes.

Tout les mâles avaient les yeux rivés sur son petit pot au lait qu’elle balançait comme le pendule de Foucault.

Le jupon volait, laissant découvrir des jambes au galbe parfait, ses seins oscillaient au même rythme que le pot au lait.

Elle déposa sa bicyclette contre le mur en pierre, se retourna puis regarda les curieux en leur tirant la langue.

Voilà, ce qu’attendait les vieux du village, cette langue arrogante.

Certains souriaient, d’autres riaient aux éclats, des ; -Enfin ce n’est pas trop tôt ; des si j’avais 40 ans de moins ; des Seigneur, Jésus Marie,Joseph.

Le bellâtre du village était là aussi. C’était un homme avec les manières de ceux de la ville et un baratin qui faisait pâlir le curé.

-Tu es bien jolie la Marie, tu fais de l’ombre à la sainte vierge.

-Que veut tu Jean-Charles, La crémière ou son petit pot au lait ?

-Devine ce que je veux Marie !

-Toi, tu veux la crémière, le sourire de la crémière, le beurre, le moule pour faire le beurre, l’argent du beurre, la recette complète, avec un abonnement à vie et sans payer.

-Qu’est-ce qui te fait croire que je vais choisir ta crémerie ?

-Parce que j’ai la plus belle crémerie de France et de Navarre, qu’en plus, j’offre ma crème et le babeurre, et cerise sur l’écume, je lèche le pichet avec mes doigts. Et que le petit pot de beurre n’est pas fait pour la grand-mère. Et tu sais avec quoi que je le fais mon beurre ?

Le silence était d’or, Plus personne ne parlait, tout le monde était suspendu aux paroles de Marie.

Marie prit ses seins entre les mains et se mit à rire aux éclats ; Il y a 100 millilitres de plus et avec cela je vous les laisse et je vous l’emballe ?

Son soupir était un supplice. L’abbé Tadine murmurait : Vadé retro Satanas, tout en regardant attentivement les seins de la Marie.

-Comme vous, quand vous faites la mayonnaise, c’est bien avec vos œufs ?

Bon je retourne à la crémerie.

La Marie enfourchât son vélo et se mit a pédaler si fort que la jupe se souleva. Elle prit la première rue à gauche et disparut.

Les hommes avaient tous, la tête tournée du coté gauche, aussi loin qu’ils le pouvaient, à s’en décrocher la mandibule.

Le kiné se demandait pourquoi la moitié des hommes du village avant la tète coincée du côté gauche. Grande énigme !

Dans les hameaux aux alentours, personne ne comprenait pourquoi ils se vendait plus de bouteilles de lait que de bouteilles de vin.

Certains pensaient, que c’était Dieu qui avait changé le vin en lait, d’autres, que c’était les femmes qui portaient le pantalon.

Allez donc savoir !

Si vous passez en Corrèze, dans ce petit bourg, allez donc sur la place du village, venez boire un café, enfin un café ou un verre de lait !