Une conviction grandit en moi : l’homme n’est pas autant habile pour se libérer des carcans dans lesquels on tente de l’enclore que pour tisser lui-même sa propre toile, pour dresser les murs de sa propre prison et perdre les clefs de la cellule dans laquelle il a choisi de s’enfermer.
Ces âmes recluses ressemblent aux personnages de l’allégorie de la caverne de Platon. Elles se sont tellement habituées à leur monde d’ombres, à leur vie sans joie ni surprise, qu’elles professent que c’est cela la vraie vie et que telle d oit être leur destin. Le même malheur fait ricochet sur la surface lisse de ces âmes recluses. Ces galets sont autant de nœuds relationnels, psychologiques ou spirituels. Elles s’étonneraient jusqu’à l’inquiétude si le même malheur ne leur pesait plus ou ne leur retombait plus sur les épaules, si leur horizon s’ouvrait sur des couleurs et des senteurs positives qu’elles croient réservées aux autres. A force d’accumuler les mêmes épreuves, elles finissent par leur donner valeur de normalité. Leur normalité propre bien évidemment. Ainsi peu à peu elles perdent le désir de guérir de leur passé pour ne plus le reproduire à l’identique.
Cela rejoint ce que disait récemment au pape François un certain Don Marco : Dans notre paroisse de la prison, la plus grande tentation à laquelle Satan essaie chaque matin de faire succomber notre coeur est la suivante : « Laissez tomber, cela ne changera rien, tout cela n’est que perte de temps. ». Pas si loin des paroles de la chanson de Camélia Jordana intitulée « Non, non, non » :
« Non, je ne veux pas aller mieux.
À quoi ça sert d´aller mieux? »
En vérité, quoique recluses de plein gré, ces personnes vivent en permanence sur la corde raide (burning rope en anglais, non loin du bruning out), les pieds rivés sur le même segment de corde, en équilibre instable entre deux abîmes. L’un est spirituel et l’autre psychologique. Le premier risque est de laisser tomber dans l’abîme ses solides croyances, l’autre d’avouer son acharnement psychologique à se faire du mal.
On peut se demander quel est le point d’équilibre et comment avancer sur la corde, et surtout comment se libérer de cette corde qui nous relie à nos 4 murs. Puisque le moteur de la machine infernale consiste à refuser conseils et aides d’autrui, acceptons cette lumière que donne Guy Gilbert : L’humilité nous permet de voir l’autre plus grand que nous-même.
Nous reviendra alors à l’esprit la célèbre citation de Jacques Marin : il est plus facile d’aimer que de se laisser aimer. Donc si l’on s’aime soi-même tel quel, en cet état carcéral, se laisser aimer, se laisser aider, relèverait de l’auto reniement. Autre non du déni dans lequel ces âmes recluses se sont pré-consciemment (pour reprendre le terme freudien) cloîtrées.
Retour d’urgence à la case humilité…