Duels au soleil – Christian Satgé

Petite fable affable

Alors que dans le ciel,
Volaient les noirs vautours…

Il y a bien longtemps,
L’espace d’un instant,
Bout de temps en suspens,
Au-delà de Campan,
Les mouflons, les isards
Et puis les bouquetins
Mirent tout en bazar,
Jusque dans le lointain,
Pour savoir qui, d’entre eux,
Régnerait aux sommets
De nos monts si venteux.
Cela vous assommait
De les voir s’attraper,
Pour un peu s’écharper,
En toute impunité
Et sans aménité.

Pendant ce temps, au ciel,
Coups bas et mauvais tours,
Glissaient les noirs vautours,
Faisant de tout leur miel.

Les doux mouflons, cornus
De façon biscornue,
On les diabolisa,
Les ridiculisa.
Les isards, gracieux
Mais sots comme l’Humain,
Courant jusques aux cieux
Et en un tournemain,
Se divisèrent, Dieu !,
Entre eux et leur combat
Fit plus de malheureux
Et de navrés, c’est bas !,
Que cornes ennemies.
Les bouquetins, amis
Du double-jeu, pardi !,
Perdirent tout crédit.

Et pourtant dans le ciel,
Planaient les noirs vautours
Qui attendent leur tour
Et que sert tout ce fiel.

C’est ainsi que ces sots,
Qui jouent bien du cuissot,
Laissèrent tout le champ
À de bien plus méchants :
Les oiseaux charognards,
Qui restaient aux aguets
Ces fachos montagnards,
Régnèrent, l’âme gaie
Parce que ces ongulés
Étaient trop occupés
À s’entrestranguler,
Se nuire ou se duper.
Ils laissèrent venir
Des matins bruns et froids
À trop se désunir,
À se vouloir tous, rois !

Mais désormais du ciel,
Règnent les noirs vautours…

© Christian Satgé – novembre 2014

Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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12 Commentaires
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Ilef Smaoui
Membre
23 novembre 2018 19 h 13 min

Alors que le pouvoir de l’amour embellit nos jours , l’amour du pouvoir nous jette dans le noir , merci poète pour ce valeureux partage

Invité
23 novembre 2018 11 h 32 min

Certains humains sont comme les vautours, opportunistes. Merci pour ce texte qui nous fait réfléchir. Bonne journée Christian.

Invité
23 novembre 2018 10 h 14 min

Le monde animal côtoie le monde humain, et je ne vois guère de différence, pour celle ou celui qui veut arriver au sommet. En fin de compte ( conte ) ceux du haut tels les charognards, attendent de tirer les marrons du feu.Très beau texte explicite, qui veut dire bien des choses. Amicalement M.G

Invité
22 novembre 2018 13 h 54 min

Je continuerai à tournoyer au-dessus de vos fables mais ne m’abattrai pas sur elles : s’en délecter est bien meilleur que les achever !

Invité
22 novembre 2018 12 h 30 min

Merci Christian, le charognard vient à la fin du combat, il attend sa proie .