Souvent, je regrette l’époque où j’étais camelot.
Je vendais alors un produit sans pareil,
fruit de mon imagination créatrice et de ma fibre mercantile;
je l’avais baptisé “HOP”.
“Pourquoi HOP ?” me direz-vous ?
Parce que là où il y a une tâche tenace, frottez trois seconde avec mon produit
et hop!, il n’y a plus de tache, comme par enchantement.
Vous voyez qu’il porte bien son nom mon produit, non ?
Mon premier client s’appelait Jean-Paul SARTRE.
Il était venu me voir pour une histoire de mains sales,
car on lui avait parlé de moi à huis clos.
Mais comme il prétendait que HOP lui donnait la nausée,
on a eu des mots,
il a pris la mouche
et je n’ai plus jamais entendu parler de ce monsieur.
Toujours à mes débuts, je suis allé à Lourdes
pour proposer mon produit miracle au doyen de la basilique.
Celui-ci m’a répondu: mon pauvre monsieur, même avec votre produit miracle, vous n’arriverez jamais à ôter la tâche originelle à nos pèlerins !”.
C’est alors que la Mafia a voulu me sponsoriser
en échange du blanchissement de l’argent de la drogue.
Bien sûr, j’ai refusé, car ensuite je ne pouvais compter sur mon produit pour me blanchir ni la conscience ni le casier judiciaire.
Devant travailler sans sponsor et sans filet,
il m’a fallu me montrer très convainquant
afin de vendre mon produit à prix d’or.
Je devais vendre du blanc sur des marchés…noirs de monde.
Après avoir rassemblé autour de mon stand un petit troupeau de badauds, j’ôtais devant eux mon maillot de corps, mon unique tenue de travail, et je l’enduisais copieusement d’encre de chine, de ketchup, de cambouis, de café, de sang, de brou de noix, et les passants se plaisaient à y rajouter ce qu’ils avaient sous la main.
Bref, j’y étalais ensuite une noisette de ma crème miracle,
je rinçais abondamment dans une cuvette et HOP, le maillot ressortait aussi blanc qu’au premier jour.
Une fois, une badaude au profil généreusement rebondi s’approcha de moi pour me demander: “Votre produit, est-ce qu’il dégraisse ?”.
Je lui répondis: “Ca c’est sûr qu’il dégraisse, mais laissez-moi vous conseiller, dans votre cas, d’en prendre deux tubes.
A consommer sans modération.
Ce même jour, un badaud enchaîna:
“Si votre truc dégraisse, puis-je m’en servir comme shampooing ?”.
Je lui ai garanti qu’avec HOP, il n’aurait plus un cheveu gras.
Aussi, à peine le tube de HOP acheté, ce monsieur voulut faire un essai sur le champs et sa chevelure remplaça mon maillot pour la démonstration suivante.
Le résultat prouva que je n’avais pas menti.
Toutefois, devenu subitement chauve, ce monsieur n’est pas resté fidèle à ma clientèle.
La reconnaissance est un honnête sentiment qui se perd, hélas!
Mon affaire prospérait tranquillement.
Jusqu’au jour où un badaud éleva la voix au milieu de la foule:
“ Monsieur, je vous ai vu moult fois détacher l’indétachable
avec votre crème HOP,
et pourtant je ne crois toujours pas aux miracles;
d’où cette question que je vous pose tout de go :
pouvez-vous m’assurer que votre eau de rinçage,
d’où émane une étrange odeur, est bien absolument pure ?”.
Je répondis du tac au tac: “Tout ce qu’il y a de plus pure, mon cher monsieur :
Trichloréthylène pur, Eau de Javel pure et acétone pure.”
Le badaud répliqua: “Je me disais bien qu’il devait y avoir un truc…”
“Et vous l’avez découvert” lui répondis-je, “Félicitations, vous avez donc gagné…”
“J’ai gagné un tube de HOP ?” demanda fébrilement le malin badaud ?
“Bien mieux que cela” lui dis-je,
”je vous offre tout mon lot et le stand en prime.
Échangeons donc nos rôles à présent, si vous le voulez bien.”
Dès qu’il se mit à débiter mon boniment,
je me suis mis à hurler à tue tête:
“Au voleur, au voleur, sus à l’escroc, haro sur l’empoisonneur…”.
Aussitôt, la police arriva et embarqua
le bonhomme et sa camelote.
“Nous le recherchions depuis 10 ans” m’apprit le commissaire,
“sa tête était mise à prix. Vous aller toucher la récompense.”
“Oh, vous savez, j’ai appelé par pur désintéressement” lui répondis-je.
Il rétorqua: “À votre regard franc et loyal, on voit tout de suite
que vous êtes blanc comme neige dans cette affaire !”
Quel bagou qui illustre la prolixité des roi de la vente….le camelot et son baron…sacrés souvenirs
Très drôle ce poème à l’allure chaplinesque! En voilà un qui s’est fait “entourlouper” par toi, Jean-Marie!