Le visage pâle, tel un masque d’albâtre,
Assise prés d’un feu qui règle la cadence,
Une aïeule voit son ombre se débattre
Parmi les lueurs qui, dans la pièce, dansent.
Elle ne parle pas et ne bouge qu’à peine,
Portant cet habit noir qui rappelle sa mère.
Et le feu crépitant lui suggère ses peines :
Pour un peu de chaleur, que de fumées amères !
Sur l’âtre, la photo d’un jeune militaire
Lui conte un bout de temps aujourd’hui terminé
Mais malgré tant d’années de chagrin solitaire,
Elle a toujours vingt ans devant la cheminée.
Voilà qu’elle se revoit aux bals de naguère
Au bras de ce galant à la fine moustache
Qui devait l’épouser au retour de la guerre
Pour partager à deux les plaisirs et les tâches.
Et puis, dans une balle se glissa le destin,
Un soir de décembre, en forêt de Douaumont,
Et l’homme et les espoirs moururent au matin
Laissant en héritage de morbides démons.
Depuis, devant ce mort gisant sous la pierre,
Avec son bouquet, elle parle à la tombe
Et quand des perles d’eau mouillent ses paupières
C’est tout son désespoir qui, dans ses larmes, tombe.
Elle marche à petits pas et en courbant le dos
Ne levant son regard que par intermittence,
Portant le poids de l’âge comme un lourd fardeau,
Et prie pour que la mort prenne son existence.
Sur l’âtre, la photo du jeune militaire
Côtoie celle ridée de cette vieille femme
Elle qui aujourd’hui repose sous la terre
Protégée des vivants et leurs guerres infâmes.
© Philippe Dutailly – 23 12 1990
la guerre a fait finir bien des histoires qui n’avaient qu’a peine commencé!
le destin est cruel !
Un chagrin d’amour difficile à oublier ,très beau poème merci du partage ! Colette
C’est très joli et très émouvant Philippe..