Longue fable affable (d’où le coloriage pour ceux qu’elle ennuie)
Vous n’êtes pas sans savoir que Boucle d’or,
Celle du conte qu’on lit quand on s’endort,
Avait sympathisé avec la famille
De trois ours qui nichait en quelque charmille,
Et qu’ils ne l’avaient pas prise en pitié
Mais, à tout le moins, en vraie amitié…
La drôlette qui avait les apparences
D’une bénédiction malgré son enfance,
A changé leur vie qu’elle trouvait gâtée :
Ces bêtes-là ignoraient « l’égalité »,
Principe sacré aux dires d’aucuns Hommes,
Dont l’absence est bestial archaïsme en somme.
Ce sont babioles et brimborions
En forêt, où pleuvent coups et horions
Sur le plus faible sans que cela , las, choque
Quiconque mais le Papa Ours à l’ouïr troque
Ses vieilles idées pour la nouveauté
Apportée au nom de la modernité.
La mâchoire carnassière et l’humeur
Prédatrice le voilà, malgré rumeurs,
Ris et moqueries, lui qui, à tout prendre,
Prit un grand soin, à l’école de la vie,
À ne jamais – non jamais ! – rien apprendre
Se rangeait, sans un mot, à cet avis.
Et les siens l’imitèrent un peu perplexes
Car la soumission leur était réflexe.
« Advienne que devra ! » devint sa scie.
« Demain est un autre jour ! » sa philosophie
Puisque selon l’enfant, dans ce bon système
Couchant l’injustice sous les chrysanthèmes,
Tout, pour tous, étant également prévu,
Tous, en tout, seraient pareillement pourvus !
Ainsi furent mises à niveau les chaises,
Sans que le bilieux y trouve malaise ;
Remplies à l’identique les assiettes
De même soupe à nombre égal de miettes ;
Taillés à même dimension les lits
Sans ire ou criailleries, ni faire un pli.
Hélas, épines éparses et déquiétantes
Naquirent de l’expérience tentante
De prime abord : Petit ours n’arrivait pas
Assez haut pour bien prendre son repas ;
Les genoux de Papa Ours coinçaient sous la table.
L’ourson laissait des portions respectables,
Rassasié, quand contractions prenaient
Le gaster gargouillant du père à son nez.
La soupe tiède insultait l’art culinaire
De la mère pourtant ourse débonnaire
Et ne parlons pas du sommeil : Si petit
Ours s’effraie dans un lit trop grand, on pâtit
Chez papa d’étroitesse et de petitesse
De son grabat où la nuit il se blesse.
C’est la Maman Ours qui arrêta matin
Ce petit jeu, profitant sans baratin
Pourtant de celui-ci : bien assise,
Repue comme il sied, couchée à sa guise,…
Elle rappela qu’avant chacun d’eux avait,
En fonction de ce qu’il voulait et pouvait,
Assez de tout, à sa portée et à son aise…
Alors que là deux sur trois faisaient malaise
À prendre garde que chacun n’ait pas plus
Ni moins que l’autre : « L’humain est olibrius
Qui n’a pas compris qu’équité altruiste
Vaut mieux qu’égalité de rigoriste ! »
© Christian Satgé – juillet 2019
Qu’il est plaisant de voir une résolution féminine à cette histoire !!
Merci de le souligner, Anne-Marie : c’est assez rare dans mes bestiales histoires où, trop souvent peut-être, le mâle est facteur de maux et faiseur de mots. Je vais y songer et en tirer leçon (moralité ?). Au plaisir…
Quelle histoire drôle, recomposée ! Merci Christian. Amicalement, Simone.
Merci à vous Simone d’avoir pris de temps de vous y arrêter car elle plutôt longuette celle-là mais j’avoue m^’être un peu amusé à la composer. Au plaisir de vous lire…