Ateliers Poétiques – La rime savoir la reconnaitre et la choisir

D’après le traité de prosodie de Sorgel
Les rimes et leur genre

Il est primordial, de distinguer les rimes masculines et les rimes féminines.
Tout simplement,: Une rime masculine est celle des mots dont la syllabe finale ne comprend pas d’e muet. Une rime féminine est celle des mots dont la syllabe finale comprend un e muet.
Cela n’a donc rien à voir avec les mots masculins et féminins. C’est la syllabe finale qui est masculine ou féminine.
Ainsi : le père forme une rime féminine
la mort forme une rime masculine.

La rime est l’exacte similitude phonique de la voyelle finale et des éléments sonores qui la suivent.
Ainsi : “germe” et “cerne” ne riment pas.
Bonté et ridé, tendu et voulu ne riment que médiocrement. Ce sont des rimes très faibles et rejetées.
Une seule exception : lorsque les voyelles finales accentuées forment à elles seules la tonalité d’une syllabe.
Ex : aléa, éloa, loua riment correctement.

La rime n’est pas faite pour les yeux mais pour l’oreille. Ainsi ce qui compte c’est l’identité de son et non de l’orthographe, les mots qui se prononcent de la même manière, même écrits autrement, riment l’un envers l’autre.

RICHESSE DE LA RIME
Beaucoup croient utiliser des rimes riches en se servant d’une consonne d’appui tel aimé et charmé, pendu et perdu. Or ces rimes sont banales et tout à fait ordinaires car, ainsi que nous l’avons défini : la rime est l’homophonie de la voyelle finale et des éléments sonores qui la suivent.
Il y a, de ce fait, deux sortent de rimes :
Les rimes suffisantes et les rimes riches.
A) RIMES SUFFISANTES
– Les rimes masculines sont suffisantes quand une consonne sonore suit la voyelle ou quand la dernière voyelle ou la dernière diphtongue forme avec ce qui la suit le même son, même si la consonne précédente n’est pas la même.
Ex : débats et trépas, pareil et sommeil.

– elles ne seraient pas suffisantes si la dernière voyelle était seule excepté, comme précisé plus haut, quand la voyelle finale forme une syllabe à elle toute seule (aléa, éloa, loua).
Ainsi, on ne peut pas faire rimer : sofa et inca, fleuri et ravi.
Pour que les rimes, dans ce cas, soient valables, il faut une concordance dans l’intégralité de la dernière syllabe :
Ex : alpha et sofa – inca et coca fleuri et chéri – ravi et suivi. Mais ces rimes ne sont toujours que suffisantes et non riches.
– Les diphtongues qui ont, en elles-mêmes, un son plein (ai, ei, oi, au, eau, eu, ou, ui, ieu) ainsi que
les voyelles nasales an, am, en, em, in, im, ain, ein, aim, ien, on, om, ion, un, oin, um) riment
parfaitement même sans être précédées du même appui.
Ex : faisceau et roseau, enjeu et cheveu, envoi et convoi, genou et caillou
– Les rimes féminines sont suffisantes quand les voyelles ou les diphtongues des deux dernières
syllables rendent avec celle qui suit, le même son.
Ex : carnage et courage, subtile et fragile, encore et aurore.
Un contrôle facile : Supprimez le e muet. Si la rime masculine qui reste est bonne, la rime féminine l’est aussi.
Ex : regard(e) et tard(e)
Ainsi, année et domptée, saisie et ravie ne valent rien
Par contre, suivant le même principe, année rimerait avec menée, saisie avec choisie, ravie avec envie …
B) RIMES RICHES
– Les rimes masculines deviennent riches quand elles offrent dans les syllabes correspondantes non
seulement le même son mais la même articulation appuyée sur une consonne.
Ex : calmant et ferment, tendu et confondu, tremblé et doublé
– Les rimes féminines deviennent riches quand les deux syllabes qui les composent ont non
seulement le même son mais la même articulation appuyée sur une même consonne.
Ex : us_age et vis_age, mine et chaumine Si cette articulation s’appuie sur deux consonnes, la rime n’en est que meilleure.
Ex : lambris et débris, naufrage et suffrage. Mais elle n’est plus que suffisante si une seule de ces deux consonne s’y trouve.
Ex: : lamb/ris et mép/ris, naufrage et out/rage
On peut également y ajouter la “sonorité” ce qui renforce encore la richesse de la rime en essayant toutefois d’éviter les excès car il ne faut surtout pas passer pour un jongleur.
Qui ne se souvient de ces vers de Victor Hugo ?

Gai, amant de la reine, alla, tour magnanime,
Galamment de l’arène à la tour Magne, à Nîmes.

Ces vers qui se prononcent de la même façon quoiqu’ils soient formés de mots différents sont appelés “vers holorimes”.
Ainsi, les vers suivants attribués à Théodore de Banville :
Dans ces meubles laqués, rideaux et dais moroses,
Danse, aime, bleu laquais, ris d’oser des mots rosés..
.
C) ORTHOGRAPHE
Les rimes sont faites pour l’oreille et non pour l’orthographe. Pourtant elles sont sans valeur si elles ne sont pas terminées par la même lettre ou par une lettre équivalente.
On ne peut faire rimer tympan avec répand, rangé et plonger, peiné et nez,
sein et seing, banni et nid, cou et coup, cour et court…
Si la lettre finale n’est pas la même, elle peut être acceptée s’il s’agit d’une lettre équivalente. Voici les équivalences admises :
1) c, g, k et q bouc et joug, franc et rang …
2) d et t flamand et aimant, sert et perd …
3) f et ph chef et Joseph …
4) m et n faim et fin, parfum et embrun …
5) s et x épris et prix, épais et paix …
6) s et z passés et assez, fatigués et endiguez …
– A noter qu’il est permis d’associer des noms propres à des noms communs.
Ex : Thabord et bord.
En ce qui la consonne ” r(R) ” qui ne se prononce pas, elle ne peut être associée à aucune autre. Ainsi, on ne peut faire rimer rochers et décrochés. De même, rocher et décroché.
– Bien entendu, les mots qui s’écrivent de la même façon, mais se prononcent de façon différentes ne
peuvent rimer ensemble.
Ex : mer rime avec amer mais non avec aimer.
– Par contre, si des mots s’écrivent de façon différente mais possèdent la même prononciation, la
rime est admise sans contestation.
Ainsi : dis-je et prodige, haletants et temps, providence et danse.
– La consonne d’appui est infiniment plus importante que la consonne finale qu’on ne prononce pas.
C’est pourquoi, dans ce cas, la règle des équivalences peut ne pas être appliquée.
En effet, sang rime plus parfaitement avec blessant qu’avec rang ou flanc.
– Enfin, les verbes à la troisième personne du pluriel, en ent, n’ont pas d’équivalence
orthographique et ne peuvent rimer qu’avec eux-mêmes.
Ex : murmurent avec promurent, mangèrent avec déjeunèrent.
IL NE FAUT PAS …
– Faire rimer ensemble des mots ayant la même orthographe mais qui ne se prononcent pas de la
même façon.
Ex : couvent et couvent (du verbe couver) –
convient et convient (des verbes convier et convenir) étaient et étaient (des verbes être et étayer, l’un étant considéré en terminaison masculine, l’autre en terminaison féminine, (cfr. chapitre élision).
– Faire rimer ensemble des sons ouverts et des sons fermés. Certains grands auteurs l’ont fait mais
c’était une erreur qui n’est pas permise. Ainsi :
Un auteur à genoux, dans une humble préface Au lecteur qu’il ennuie a beau demander grâce.
Boileau
Pour bien comprendre, il faut distinguer les sons longs ou brefs (i, u, ou etc..) d’avec les sons
ouverts ou fermés (a, e, o etc.). Les sons longs ou brefs se ressemblent et peuvent se coupler alors que les sons ouverts ou fermés n’ont pas d’équivalence phonique et ne peuvent rimer ensemble. Ainsi : petite et site – tout et goût – recule et brûle riment ensemble.
mais balle et râle – couronne et trône – prophète et fête ne peuvent rimer ensemble.
IL NE FAUT PAS …
– Faire rimer ensemble deux syllabes terminées en er lorsque l’un a le son é fermé et l’autre le son è
ouvert.
Ex : prononcer et cancer – greffer et fer – tramer et mer
Certains les ont utilisées. Elles furent appelées rimes provinciales ou rimes normandes
certainement parce qu’en province, en Normandie surtout, la lettre “r” était fortement prononcée en fin de mot.
– Faire rimer ensemble deux rimes masculines dont l’une possède une consonne sourde et l’autre une
consonne sonore.
Ex : Pallas et matelas – palmarès et succès Des dérogations sont admises mais uniquement lorsque l’une de ces finales est un nom propre.
– Faire rimer ensemble des mots terminés par un « L » s’ils se prononcent dans l’un et non dans l’autre.
Ex : fusil et profil – gentil et subtil
La rime “il” sonore ne rime qu’avec elle-même au singulier comme au pluriel :
Mais ce sujet zélé qui d’un oeil si subtil
Sut de leur noir complot développer le fil.
Racine
Par contre “il” insonore ne rime qu’avec lui-même au singulier mais, au pluriel, il peut s’accoupler avec une rime privée du “L” :
Jupiter leur parut avec ses noirs sourcils
Qui font trembler les deux sur leurs pôles assis.
La Fontaine
Le mot “monsieur” peut rimer – mais uniquement dans le style familier – avec les mots en “eur” dont on prononce la lettre “r” comme, par exemple, erreur, douleur, douceur…
IL NE FAUT PAS …
– Faire rimer un mot avec lui-même ni avec son composé par exemple, faillir et défaillir, voir et apercevoir, courtois et discourtois, amis et ennemis.
Les termes associés à la rime ne doivent pas être identiques à l’esprit comme ils le sont à l’oreille.
Exception en est faite lorsque le simple et le composé ou tous autres mots ayant même racine, sont employés dans un sens différent ou, du moins, assez éloignés pour qu’on ne s’aperçoive pas qu’ils ont même étymologie.
Ainsi, on peut faire rimer accès et succès, déclin et enclin, flamme et oriflamme, front et affront, lustre et illustre, objet et sujet, promettre et permettre, soin et besoin, surprendre et entreprendre, temps et printemps etc..
Les accommodements ne font rien en ce point.
Les affronts à l’honneur ne se réparent point.
Corneille
A tous ces beaux discours j’étais comme une pierre,
ou comme la statue est au “Festin de Pierre “.
Boileau
Dans ces quatre vers, les rimes sont parfaites car s’il y a similitude dans l’orthographe et le son, le sens en est tout différent.
Bien entendu, dans certains cas bien particuliers, deux même mots peuvent rimer ensemble mais uniquement si cela est voulu pour parachever la beauté d’un vers. Ainsi…
Sa voix disait : Eurydice ! Eurydice !
Et tout le fleuve au loin répétait “Eurydice !”
Lebrun
II est à noter que les homonymes terminés par une lettre identique ou équivalente donnent des rimes excellentes.
Ex : coeur et choeur – auteur et hauteur …
IL FAUT ÉVITER …
– De composer la rime avec des monosyllabes et d’utiliser les monosyllabes n’importe comment dans un vers.
Le monosyllabe à la rime ou dans un vers est souvent un écueil qui brise l’harmonie surtout avec des monosyllabes dénués d’accents tels :
je – te – me – le – se – de – ne – que – etc..
C’est alors qu’intervient l’art du poète pour les utiliser à bon escient en les rendant agréables et musicaux.
Fais le bien, suis les lois et ne crains pas les dieux.
Voltaire
Étant donné leur cas particulier, les monosyllabes riment entre eux et avec les polysyllabes sans avoir l’articulation normalement imposée.
Par Ex : bas peut être associé non seulement à p_as mais également à débats, ébats, attentats, de même soi à toi etc.
Par contre, les monosyllabes ne riment pas avec les polysyllabes s’ils n’ont pas la même consonnance.
Ainsi, bien ne s’associe pas à sein mais à sien ; pieu ne s’associe pas à feu mais à lieu ; suis ne s’associe pas à dis mais à puis…
Enfin, il est conseillé de faire soutenir par le mot précédent, la rime constituée par un monosyllabe. Ex : Langoureux rime avec par eux. Il rimera bien mieux avec pour eux” Attila rime avec elle a. Il rimera bien mieux avec il a.
Écoutons Voltaire :
La versification héroïque exige que les vers ne finissent point par des vers monosyllabes. L’harmonie en souffre : il pleut, il veut, il fait, il court sont des syllabes sèches et rudes ; il n’en est pas de même des féminines : il vole, il presse, il prie ; ces mots sont plus soutenus ; il ne valent qu ‘une syllabe mais on sent qu ‘il y en a deux qui forment une syllabe longue et harmonieuse. Ces petites finesses de l’art sont à peine connues mais n’en sont pas moins importantes.

IL FAUT EVITER…

– De faire rimer l’hémistiche avec la rime finale. Le résultat en est toujours désagréable :
Par une lâcheté qu ‘on ne peut égaler
L’ayant assassiné le fait encor parler.
Corneille
Le résultat est souvent identique lorsque la rime finale est répétée, dans le corps du vers, à une césure, sur une syllabe forte.
De même quand la rime est reproduite à l’hémistiche de l’un ou des deux vers qui précèdent ou qui suivent :
Appliqué sans relâche au soin de me punir.
Au comble des douleurs tu m’as fait parvenir.
Ta haine a pris plaisir à former ma misère ;
J’étais né pour servir d’exemple à ta colère?
Racine
De même, il faut éviter que les hémistiches riment entre eux. L’oreille est trompée et l’harmonie rompue.
Mais son emploi n’est pas d’aller dans une place,
De mots sales et bas charmer la populace.
Boileau
La répétition de la rime à l’hémistiche ne peut être autorisée que si elle est voulue afin de produire un effet agréable et expressif :
Et par ce grand portrait fini tous mes portraits.
Boileau
Percé de tant de coups, comment t’es-tu sauvé ? Tiens, tiens, voilà le coup que je t’ai réservé.
Racine
IL FAUT ÉVITER…
– La même assonance entre les rimes masculines et féminines qui se suivent. Le résultat de cette
répétition du même son est désagréable.
De nombreux et grands poètes l’ont pourtant pratiquée. Ils ont eu tort. Cela n’a jamais été à leur avantage.
Jamais Iphigénie, en Aulide immolée,
N’a coûté tant de pleurs à la Grèce assemblée
que, dans l’heureux spectacle à nos yeux étalé,
En a fait sous son nom verser la Champmeslé.

N’OUBLIEZ PAS cette règle très stricte de la prosodie classique :
Un mot utilisé comme rime ne doit y réapparaître qu’après douze vers au minimum.
IL FAUT ÉVITER …
– De rimer avec des épithètes.
Ne pas confondre “l’épithète” et “l’adjectif’. L’adjectif est indispensable pour compléter un nom. Sans lui, le sens serait incomplet. L’épithète, elle, ajoute qualité, grâce et force mais elle pourrait être supprimée sans que la phrase perde son sens.
Ex : Fuyez de ces auteurs l’abondance stérile
Et ne vous chargez pas d’un détail inutile.
Dans ces vers, stérile n’est pas indispensable. Supprimez la et la phrase gardera tout son sens. C’est une épithète.
Inutile, par contre, est indispensable et ne peut être supprimé sans rendre la phrase inachevée. C’est un adjectif.
L’épithète est toute grâce et, souvent, mélodie mais méfiez-vous-en comme de la peste. Ne les utilisez que si elles sont justes, expressives et musicales. De toute façon, ne les multipliez pas, elles sont trop l’apanage des versificateurs médiocres et sans inspiration. –

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Martyne Dubau

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Je suis née à Bordeaux et je vis toujours dans ma Nouvelle et belle Aquitaine depuis ce jour là..
J'écris pour ne pas mourir, comme le chantait Anne Sylvestre .
Pour exister par mes mots, laisser une trace ; pour oublier aussi les difficultés de mon quotidien car la maladie est dans ma vie depuis plus de vingt ans ; elle me fait trembler, souffrir, pleurer, pour la supporter j'ai retrouvé le gout pour l'écriture et le dessin , laissé de côté pour la vie de famille;
j'écris mes maux avec mes motsje dessine sur mes silences , je les habille de couleurs, les déguise de fantaisie, en un mot ma philosophie est « bleutitude » !
Le bleu est ma couleur et le papillon mon animal totem !
J'aime les vers classiques et la prosodie dont j'ai commencé l'apprentissage en 2008 avec passion et assiduité , mon écriture est donc classique mais j'aime aussi le libre et la prose, je m'amuse à tenter les différentes formes de poésie. J'ai participé à de nombreux concours internationaux et obtenus plusieurs premiers prix
Je suis directe et franche dans mes ressentis, ne vous en offusquez pas ; ils sont parfois un peu trop «  brut de pomme »comme on dit, mais mon cœur n'est que gentillesse et partage, j'aime aider et conseiller je n'y peux rien , je suis comme ça !
Tant que la maladie me le permet , je poursuis mon apprentissage et je transmet mon petit savoir , le partage est un plaisir qu'il ne faut pas se refuser .

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