Le glabre et le roupillon – Christian Satgé

Petite fable affable
 
Même si l’on dit que « L’avenir, Madame,
 Appartient à ceux qui se lèvent tôt ! »
À ce bel âge où l’on est tout feu tout flamme
Un jeune blanc bec du cru, un peu pataud,
Préférait mieux croire en cet autre adage
Qui dit : « La fortune vient en dormant ! ».
Aussi comme loir ou marmotte sans âge,
Il s’alita, sans question ni tourment,
Dormit sur ses deux oreilles – difficile ! –
Baillant dans son somme – ce n’est pas plus facile –
Pendant, raconte-t-on, toute une saison
Dans la chaleur douillette de sa maison.
 
Un matin, il ouvre un œil mais n’est plus riche
Que de poils au menton… « Ainsi hiberner
Se dit in petto notre brave godiche,
De la faim pour l’heure m’aura détourné
– Qui dort dîne ! – mais pas de mes fins : Sagesse,
Si j’en crois ma barbe, de ma sieste, est née ;
Mais peu m’importe, moi je veux la richesse
Il me faut très vite au repos retourner,
Et ronfler plus longtemps – Ah, je suis habile ! –
Je serai cousu d’or, moi qu’on croit débile,
Sans peine, avant la prochaine cueillaison ! »
C’était à dormir debout et déraison !
 
Alors notre beau au bois dormant se couche,
Somnole et rêve pendant toute une année.
Et il dormit, m’a-t-on dit comme une souche :
C’est à quoi sa logique le condamnait.
Il mourut, c’est fatal, sans s’en rendre compte,
Au détour d’un songe ou d’un soupir, soleils
De ce pauvre miséreux parti sans honte :
Sa nuit ne lui avait pas porté conseil !
Roupiller n’engraisse que tous ces fossiles
Vivant de vous, en parasite ou bacille ;
Se lever nourrit l’État pas ta maison ;
Quelle voie et vie choisir avec Raison ?!
 
© Christian Satgé – juillet 2015

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Christian Satgé

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Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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