CENT LAPINS PALESTINIENS 2018
Ils ont tous bondi hors de leurs trous avec rage.
Ils sont sortis de leurs terriers pour le carnage.
Ils ont filé, foncé, tout droit vers le barrage.
De barbelés, de miradors, de hauts bardages.
Hors de la terre bénie qui leur appartient
Depuis avant Jésus-Christ, leur frère commun.
Lui qui fut de tous LE premier Palestinien.
Ils n’ont eu peur de rien, mêm’ pas snipeur des chiens.
L’un tué dans le dos, et l’autre, adolescent.
Nul n’oubliera jamais le courage du sang
Des lapins, sang-pays, sang-terre, sang-abris.
Moi et mon sang de rat de poète proscrit,
Je ne plaisante plus, car je le vois trop bien:
L’animal le plus courageux, c’est le lapin.
Quand ton voisin, c’est monsieur Tunetueraspoint,
Lapin, t’es prévenu, on t’attend dans les coins.
Ne sors pas, ne cours pas, ne bondis, ne fais rien.
Les dix commandements n’ont jamais mentionné:
Tu ne mangeras pas de civet de lapin.
Dès lors, lapin, reste lové sur ton lopin;
Toi, l’animal mal-né, l’animal malmené,
L’animal mal-nommé, ton vrai nom, c’est Guerrier
Et non Terrier, Larbin, Enterré, Sert de Cible.
Mais ne crois pas que ton courage indescriptible
Aux yeux du rat-poète est resté invisible.
Car, l’autre jour, en consultant ma librairie,
J’ai vu que l’ordre naturel était précis :
Dans les livres de zoologie, c’est bien dit :
De la race Nakba, au beau poil angaza,
Il existe un lapin qui n’a pas peur du feu;
Parmi tous les lapins, c’est le plus courageux:
Le plus fier des lapins, c’est le palestinien.
Plus jamais, moi, le rat, ne dirai rien ou quoi
Contre toi, le lapin, débandé à Gaza ;
Comparé à toi, fier lapin palestinien
Moi, le rat lunetteux, peureux, je ne suis rien.
Comme toi, je vis dans un trou, moi pour écrire,
Tandis que toi, tu n’y vis que pour en SORTIR.
©Huber Clolus