Les deux hêtres – Charly

Les deux hêtres furent d’abord des glands
Et fiers de l’être
Deux êtres qui se reposèrent longtemps
Avant de naître

Le premier étai un hêtre fort
Avec des branches
Qui se déployaient tout autour de son corps
De la cime jusqu’au hanches

Le second était un hêtre faible
Avare de soleil
Qui alignait péniblement quelques feuilles blêmes
Sur son modeste appareil

Le premier dans toute sa majesté
Se dressait
C’était une longue colonne grise argentée
Lisse à enlacer

Hélas quand l’écorce est trop lisse
Pour se gratter
les ours attirés par les fruits se hissent
Et le tronc est griffé

C’est le prix de la richesse
Narguait le cadet
Jaloux des amoureux qui appuyaient leurs fesses
Contre son aîné

Peu à peu la balance du destin
Allait se rétablir
Et les complexes du gressin
S’affaiblir

Un hêtre est comme une patte d’éléphant
Sans racines profondes
Sur la terre son pied se pose délicatement
Malheur si la tempête gronde

Hêtre fort à cause de la prise au vent
Devenait faible
Alors le petit en jouant le rassurant
Était espiègle

Au retour des feuilles à la saison des chatons
Le petit avait les plus beaux
Car pour être admirés par les piétons
Ils étaient moins hauts

Les deux hêtres frères et sœurs
Car hermaphrodites
Philosophaient toutes les demi-heures
Avec des redites

A vivre sur nos branches ils aspirent
Avec nos fruits ils mastiquent
Avec nos feuilles ils respirent
Avec notre bois ils fabriquent

Heureusement que les hêtres vivent
Pour les vivants
Mais si avec leurs scies les hommes arrivent
Malheur aux vivants

Morts de rire les êtres sans h
Sont vivants
Morts de rire les hêtres sans haches
Vivent longtemps

Si les hommes devaient m’immoler je choisirais
La fumaison
Loin de la gloriole mais expert je fumerais
Les andouilles et les jambons

Si les hommes devaient m’immoler je choisirais
Le feu de joie
Au centre des humaines réjouissances je serais
Au moins pour une fois

Quand les hommes les ont coupés
Ce fut une tragédie
Deux hêtres dépités avant d’être débités
Dernier adieu dans la scierie

Souvenez-vous des six saules abattus dans la brume
Un jour d’hiver
Oh que les six troncs à grumes
Étaient amers

Sur les bords du canal un pavillon
Près d’’une écluse
Sur le fil les chemises et les pantalons
Avec le vent s’amusent

Le joli pont qui traverse le canal
Est en bois de hêtre
Comme ces pinces d’un modèle ancestral
Qui mordent le linge au mètre

Hêtre du pont et Hêtre des pinces
Se sont retrouvés
Près d’une famille d’éclusiers au portefeuille mince
Mais au bonheur avisé

L’un raconte la vie grouillante
De la maisonnée
L’autre les histoires croustillantes
Des bateaux et des vacanciers

Même en hiver quand la plaisance s’arrête
Nos amis ne s’ennuient jamais
Car sur cette rive ils trouvent toujours des arbres et des bêtes
Qui les font rigoler

 

Charly, texte déposé.

Nombre de Vues:

20 vues
Guy Corsiglia

Charly (11)

Je souhaite faire partager mes poèmes pour donner du plaisir, pour la fraternité, pour le savoir et la réflexion.
Merci à tous les artistes dont les œuvres me donnent envie d'écrire : Charles Trenet, Jacques Prévert, Pierre Perret, Georges Brassens, René Goscinny, Frederico Fellini, Aram Khatchatourian et d'autres aussi.

S'abonner
Me notifier pour :
guest

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Voir tous les commentaires