Le cinéma de mon enfance – André Nolat

LE CINEMA DE MON ENFANCE – ANDRE NOLAT

Dans la petite ville de mon enfance, il y avait un cinéma, Le Rio, un grand bâtiment en dur orné, à l’intérieur, d’affiches bariolées agrafées sur de grands panneaux bleu nuit, et où l’on pouvait voir de bons films. Le jeudi après-midi et le samedi après-midi étaient  réservés à des films pour la jeunesse, à tarif réduit pour les moins de seize ans, le samedi soir et le dimanche Le Rio présentait en matinée et en soirée, des films grand public assez  nouveaux que le patron obtenait grâce à un circuit urbain. Quelquefois, j’allais au ciné le jeudi avec des copains, et nous allions souvent en famille au Rio le dimanche après-midi et ma sœur plus jeune que moi de trois ans le plus souvent s’y endormait gentiment.

Ce dont je me souviens, c’est de quelques films à grand spectacle tels que Kim de Victor Saville, d’après Kipling ainsi que Le Livre de la jungle de Korda (avec Sabu) qui revenait sur les écrans pour les fêtes de fin d’année, Quand la Marabunta gronde, le terrible fleuve de fourmis, Sous le plus grand chapiteau du monde de Cecil B. DeMille comme La Tunique d’Henry Koster, le premier film en cinémascope, et Les Contrebandiers de Moonfleet, un chef-d’œuvre.. Avec mon oncle, j’ai vu aussi à cette époque La Strada, un autre chef d’œuvre que je n’ai apprécié que beaucoup plus tard. Mais j’aimais les chansons de ce film popularisées par Lucienne Delyle : « Gelsomina » et « Le grand chemin », qu’on écoutait à l’entracte, après les actualités, le court dessin animé et la publicité annoncée par le « Le Petit Mineur » :   

                                                  Nous, gens du voyage,

                                                  Suivons le grand chemin

                                                  De ville en village

                                                  Allons sans fin…       

Les séances étaient souvent bruyantes et le patron devait parfois intervenir et expulser quelques trublions. Quoi qu’il en soit, ce que nous aimions par-dessus tout, c’était les westerns dont ce fut la grande époque. En voici quatre tels qu’ils m’apparaissent aujourd’hui alors que, selon le mot d’Elsa Triolet, « je ne pense plus qu’en arrière » :

 Le Train sifflera trois fois, (High Noon) Fred Zinnemann, 1952

L’originalité de ce film c’est d’être limité dans le temps et l’espace : un jour dans une petite ville  de l’Alabama entre 10 h 30 et le début de l’après-midi, et ce cadre, ainsi que la chanson (« Si toi aussi tu m’abandonnes ») rythme l’action comme le cadran de l’horloge qui grossit au  long de ce film photographié en un noir et blanc accentué et angoissant. Le shérif, Will Kane (Gary Cooper) vient d’épouser Amy (Grace Kelly), une quaker, lorsqu’on lui annonce l’arrivée, par le train de midi, de Frank Miller, un bandit qu’il a jadis arrêté et qui revient se venger. Will Kane a peur mais il a aussi le sens du devoir. Il cherche en vain de l’aide. Sa femme lui conjure de fuir, part seule puis revient. Alors Kane affrontera avec succès Miller et ses trois complices et il quittera la ville avec sa femme qui l’a aidé malgré ses convictions.

L’Homme des vallées perdues (Shane), Georges Stevens, 1953

Ce western est d’autant plus inoubliable qu’il est filmé comme dans Rivière sans retour de Preminger,  du point de vue d’un enfant : le petit Joey Starrett (Brandon deWilde), qu’il oppose un tueur et un justicier dans le cadre archétypique du conflit entre éleveur et fermier, nomade et sédentaire, et qu’il est tourné dans une vallée au pied des montagnes bleues du Wyoming. (La photographie de Loyal Griggs fut oscarisée en 1954.)

Shane (Alan Ladd), venu d’on ne sait où, accepte l’hospitalité des Starett  (Jo interprété par  Van Heflin et Marian par Jean Arthur), des fermiers. Il aide Jo dans ses travaux et dans sa lutte contre Riker (Émile Meyer), un éleveur, véritable chef de gang. Ainsi devient-il l’idole du petit Joey. Riker, utilise tous les moyens pour faire partir les fermiers ; il ira même jusqu’à engager un tueur à gages, Jack Wilson (Jack Palance), tout de noir vêtu  et crispé comme une araignée guettant sa proie. Wilson tue un des fermiers. Mais, après avoir assommé Jo Starett pour l’empêcher d’aller combattre le trop dangereux Wilson, c’est Shane qui livre la dernière  bataille auquel assiste, caché, le petit Joey. Shane tue Wilson, Riker et son frère, puis il décide de reprendre sa route au grand désespoir de Joey auquel il conseille de bien seconder son père un homme solide et  brave, et sans qu’on sache si sa blessure au côté gauche est grave ou superficielle.

Règlements de comptes à OK Corral (Gunfight at O.K. Corral), John Sturges, 1957

Ce film s’appuie sur une réalité fameuse de l’Ouest américain : la fusillade d’OK Corral le 26 octobre 1881 qui clôt la rivalité entre les frères Earp et le clan Clanton, c’est-à-dire entre la loi et le crime, l’ordre et le chaos. Cette histoire a déjà été traitée plusieurs fois au cinéma notamment par John Ford dans La Poursuite infernale en 1946.

Doc Holliday (Kirk Douglas), célèbre joueur de poker, tireur d’élite, buveur de whisky bien que tuberculeux, séjourne à Fort Griffin avec sa compagne Kate Fisher (Jo Van Fleet) qu’il rejette. Wyatt Earp (Burt Lancaster), le shérif de Dodge City, arrive à son tour pour appréhender Ike Clanton (Lyke Bettger)  mais le shérif en place, un couard, l’a relâché. Peu après, Doc tue en état de légitime défense Ed Bailey venu pour se venger de lui. Les habitants l’accusent de meurtre et sont sur le point de le lyncher. Il est sauvé par Wyatt Earp qui s’en retourne ensuite à Dodge City bientôt rejoint par Doc Holliday. Arrive également la belle Laura Denbow (Rhonda Fleming), joueuse professionnelle dont Wyatt s’éprend et qu’il désire épouser.  Mais, alors qu’il est seul, une banque de la ville est dévalisée et son caissier assassiné. Il décide de faire de Doc son adjoint le temps de rattraper les brigands. Pour payer sa dette, Holliday accepte. De retour à Dodge City après avoir gagné la bataille avec Wyatt, Doc apprend que Kate a quitté la ville en compagnie de Johnny Ringo (John Ireland), l’un des hommes de Clanton. Ce dernier sème la terreur à Tombstone dont le frère de Wyatt, Virgil (John Hudson), est le shérif qui son frère à la rescousse. Doc et Wyatt se rendent donc  en Arizona où va se dérouler le fameux règlement de comptes à O.K. Corral opposant les clans Earp et Clanton. Les Earp sont vainqueurs. Doc retourne à son poker et Wyatt s’en va avec Laura tandis que résonne la chanson de Frankie Laine : « O.K. Corral ».

Rio Bravo, (même titre), Howard Hawks, 1959

Le western le plus célèbre de tous les westerns dont on dit qu’il s’agit, en partie d’une réponse au Train sifflera trois fois que ni Hawks ni Wayne n’avaient apprécié refusant l’idée d’un shérif anxieux et jetant par terre, à la fin, son étoile. Car John Wayne avec sa stature et son sourire en coin fut alors, après la guerre, le symbole d’une Amérique triomphante qui, aujourd’hui, vacille.

Joe Burdette, frère du puissant éleveur Nathan Burdette, tue un passant et Pat Wheeler (Ward Bond), un ami de John T. Chance (John Wayne), shérif de Rio Bravo, une bourgade du Texas près du fleuve du même nom, (c’est nom mexicain du Rio Grande).  Chance, solide comme un roc, emprisonne Joe Burdette en attendant l’arrivée du marshal fédéral. Mais, barricadé dans son local,  il n’a comme appui que trois hommes : son adjoint Dude (Dean Martin) qu’un chagrin d’amour a plongé dans l’ivrognerie, Stumpy (Walter Brennan), un vieil homme boiteux, et Colorado (Ricky Nelson), un jeune pistolero ami de Wheeler. Nathan Burdette qui veut libérer son frère encercle la ville et fait jouer par ses sbires « El  Deguello », la sonnerie de mort mexicaine. Chance doit à la fois arracher Dude à l’alcool et protéger la prison. Il fait de son mieux, mais alors que Dude, en meilleur état, assure la garde à l’entrée de la ville, il est capturé par les hommes de Nathan qui propose de l’échanger contre son frère. L’échange se fera sur un pont proche de la ville et, lorsque Dude est à l’abri, Chance et Stumpy vainquent Nathan et ses hommes grâce à un lancer de bâtons de dynamite que Chance fait exploser. Il n’en reste pas moins qu’il sera vaincu à son tour par Feathers (Angie Dickinson), la belle danseuse dont il est épris.

Ce western légendaire, qui connut un énorme succès commercial et qui continue à séduire, comporte de nombreuses scènes d’anthologie notamment celle où Colorado, Dude et Stumpy chantent dans le bureau du shérif. Une scène présentée par « You Tube » et vue 8, 6 millions de fois en 11 ans.

Guy André Talon

André Nolat (43)

J'ai publié, chez de petits éditeurs sérieux et en autoédition avec souscription, sous le pseudonyme d'André Nolat (que je tiens à conserver), des plaquettes, des nouvelles, des chroniques, des essais. Je ne m'en prévaux guère.
Par ailleurs, je vis seul depuis le décès de ma compagne, et j'aime lire, écrire, voir des films, des débats télévisés, etc.
Quant à ma vie passée, plus agitée, elle a fait l'objet de divers récits liés à des lieux où j'ai vécu - presque tous détruits ou métamorphosés... C'est pourquoi à partir d'un certain moment de son parcours, je crois qu'on peut dire, citant Céline, " qu'on est plus qu'un vieux réverbère à souvenirs au coin d'une rue où il ne passe déjà presque plus personne."

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3 Commentaires
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Jean-Marie Audrain
Modérateur
11 décembre 2022 18 h 21 min

Gamin, un soir, j’avais allumé la télé et suis tombé sur L’homme tranquille; Je n’ai jamais oublié ce western très ‘famille’ !