La mauvaise grâce – Christian Satgé

Petite fable affable d’après La Besace, J. de la Fontaine, I, 7
 
Dans son vieil Olympe, Jupiter s’ennuie. Pire,
Il doute de lui, de ses pouvoirs et grandeur.
Pour se bien rassurer, il veut s’entendre dire,
Par ses fruits, lui, le Créateur
Qu’il fit et fait bien toute chose.
Comme jadis, il réunit, pour que l’on cause,
Cette faune heureuse en tout qui, avec raison,
Plaignait plus le sort de tout autre.
« Dis Singe : Es-tu toujours aussi content, ou non,
De tes pieds agiles, de ta face d’apôtre ?
– Non, Maître !… De l’Homme tu m’as trop rapproché ;
Je suis, comme lui, bête, arrogant et débauché,
Prompt à feindre, trahir, tuer,… et donc me plaindre. »
Survenant alors, l’ours se mit aussi à geindre :
« L’imberbe est à la mode, et je suis velu. Fort
Velu. Devrais-je, pour plaire, épiler tout mon corps ?  »
L’éléphant déplora que maigreur sans pareille
Soit dans l’air de ce temps, le laissant de côté ;
Ni fait ni à faire, il était :
Nez trop long, queue trop frêle et puis, Dieu, ces oreilles… !
Nul animal, du plus petit
À la grosse baleine à bosse,
Ne se trouvait, ici-bas, assez bien loti.
Aux tristes portraits que lui brossent
Tous ces cœurs moroses, Le grand Basileus,
Détruisit ces ingrats, avortons et maous.
« Vous parlez aussi mal à votre Dieu que l’Homme !
Si vous ne vous plaisez, tels que je vous fis, tous,
Pourquoi continuer à vivre ?!… Là, en somme,
J’ai réussi à vous rendre heureux et sereins,
Comme le doit un souverain !
Ne voir que soi, soi seul, nous donne des œillères :
On est maux et défauts. Aussi cela conduit
À se dénigrer prou, méprisé sans manière.
Comment, dès lors, pourrait-on estimer autrui ? »
 
© Christian Satgé – décembre 2013
Christian Satgé

Christian Satgé (834)

Obsédé textuel & rimeur solidaire, (af)fabuliste à césure… voire plus tard, je rêve de donner du sens aux sons comme des sons aux sens. « Méchant écriveur de lignes inégales », je stance, en effet et pour toute cause, à tout propos, essayant de trouver un équilibre entre "le beau", "le bon" et "le bien", en attendant la cata'strophe finale. Plus "humeuriste" qu'humoriste, pas vraiment poétiquement correct, j'ai vu le jour dans la « ville rosse » deux ans avant que Cl. Nougaro ne l'(en)chante. Après avoir roulé ma bosse plus que carrosse, je vis caché dans ce muscle frontalier de bien des lieux que l'on nomme Pyrénées où l'on ne trouve pire aîné que montagnard.

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2 Commentaires
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Anne Cailloux
Membre
24 août 2017 18 h 06 min

Souvent celui méprisant autrui, est imbu de sa personne, et celui pas sur lui, respecte souvent les autres. L’enveloppe corporel de nos jours et bien trop importante en rapport de tout le reste !